«Gilets jaunes» et chansons de lutte contre le macronisme

La chronique de Jean-Marie Meilland • Les événements de ces derniers jours en France sont de première importance. Le mouvement des «gilets jaunes» est à coup sûr un grand mouvement populaire mobilisé contre l’Etat capitaliste.

Les événements de ces derniers jours en France sont de première importance. Le mouvement des «gilets jaunes» est à coup sûr un grand mouvement populaire mobilisé contre l’Etat capitaliste. Il rassemble très largement (salariés, petits patrons, retraités), fédérant des catégories diverses dont le dénominateur commun est la faiblesse des revenus et la révolte contre des dirigeants qui veulent taxer les plus pauvres pour compenser les cadeaux fiscaux aux plus riches. En voulant imposer au forceps le néolibéralisme anglo-saxon, Emmanuel Macron a produit le premier grand soulèvement occidental contre le système actuel. Et la gauche (FI, PCF, NPA et même plus mollement les socialistes) n’a pas manqué de participer ou au moins d’apporter son soutien à cette mobilisation populaire certes multiforme, mais dont il serait déplorable de laisser le bénéfice à l’extrême-droite.

Après ces quelques remarques, et parce que le sujet est tout à fait en phase avec elles, je voudrais parler un peu de la chanson politique telle qu’elle se développe autour de la très dynamique France insoumise. Un groupe de chanteurs et chanteuses pleins de talent est aujourd’hui actif et produit des chansons pour accompagner des campagnes et des manifestations. Elles sont diffusées sur Internet (1). Il existe même une vidéo où une leçon est donnée à ceux qui voudraient en créer eux-mêmes (2). Dans la grande tradition de la chanson politique, il est conseillé de choisir des airs de chansons bien connus du public et d’y ajouter de nouvelles paroles en rapport avec l’actualité militante.

Je parlerai tout particulièrement d’un chanteur nommé Gaëtan Thomas, qui vient du Maine-et-Loire et a depuis deux ans réalisé de nombreuses vidéos de très bonne qualité. En citant des extraits de ses chansons, je souhaite simplement donner l’envie de les écouter et de visionner les excellentes bandes-sons et images d’actualité qui les illustrent (3). Même s’il est parfois auteur-compositeur, Gaëtan Thomas choisit la plupart du temps des mélodies célèbres, en général de chanteurs contemporains, pour porter de nouvelles paroles engagées, alors que son interprétation conserve l’esprit de l’œuvre originale.

Les chansons de Gaëtan Thomas collent de la manière la plus efficace à la situation actuelle de la France où il s’agit essentiellement de combattre sans répit la démolition des acquis sociaux enclenchée par le banquier Macron. Ainsi le jeune chanteur présente avec clarté et éloquence le programme néolibéral du président. Macron casse tout (musique: Me Gustas Tu de Manu Chao) le résume avec brio: « Macron casse les travailleurs/ Macron casse tout/ Macron casse les étudiants/ Macron casse tout…/ Macron casse les retraités/ Macron casse tout…/ Macron casse l’hôpital/ Macron casse tout/ Macron casse le rail/ Macron casse tout…// Mais qu’est-ce qu’il fait ?/ Je ne sais pas/ Mais qu’est-ce qu’il fait je ne sais plus/ Mais qu’est-ce qu’il fait ?/ Je suis perdu… ».

Dans Bordel Général (musique originale), l’analyse est plus acérée: « Président des riches/ Tu sers tu aguiches/ Les nantis du patronat/ Gattaz au nirvana/ Robin des bourgeois/ Ta caste est en joie/ Quand tu la couvres de cadeaux/ Tu fais ça sur le dos des prolos… ». L’arrogance présidentielle qui indigne même les plus patients est souvent commentée. Petit papa Macron (musique: Petit papa Noël) décrit l’autoritarisme macronien: « Tes lois scélérates sont passées/ Nous étrangler c’est ton credo/ Tu fais voter tes députés/ Comme un seul homme ces godillots/ Tu dis « mon peuple » tu t’en grises/ Mais on sait que tu nous méprises… ». Je ris je mens (musique: La nuit, je mens d’Alain Bashung) dépeint l’arrogance du leader « moderne » regardant de haut le peuple attardé: « Je ris je mens/ Je prends mes aises/ Au détriment d’la plèbe/ Je ris je mens/ Je fais mon malin/ J’ai dans les bottes des réformes/ En béton/…/ C’est moi qu’ai raison/ Nous on est modernes… ».

Bordel général se fait l’écho de la colère populaire: « Président méprisant/ Aux propos malfaisants/ Pour les pauvres les travailleurs/ Président fossoyeur// C’est des siècles de lutte/ Que t’enterres que t’insultes… ». Certaines chansons concernent des aspects particuliers de la politique macronienne. Ainsi Suffit d’traverser la route (musique: Passer ma route de Maxime Le Forestier) parle du chômage: « Tu peux me croire sur parole…/ C’est sûr tu vas l’avoir ton CDI/ La preuve il y a un peu plus de 300.000 postes/ Pour 7 millions de chômeurs c’est easy…// Suffit d’traverser la route…/ Un job à la clé/ Un boss à ton écoute/ La vie est belle… ».

Sacré Jupiter (musique: Sacré Charlemagne de France Gall) traite de l’augmentation du prix du gazole: « Pour faire le plein d’ma Mégane/ Va falloir qu’j’vende mes organes/ Et pour remplir ma chaudière/ J’vais toquer chez l’abbé Pierre// Oh ! Oh ! Merci Jupiter/ Merci Jupiter ! ». Reverrai-je le train? (musique: Ulysse de Ridan) se bat pour les services publics menacés parce qu’ils coûteraient cher: « Mais quand reverrai-je dans mon petit village/ Passer les cheminots et en quelle saison?…// On dit de l’employé d’gare que c’est lui le poison/ Qu’il serait un prince gavé d’avantages…//… Ils nous déclarent la guerre et il ne tient qu’à nous/ De nous soucier de nos sorts de trouver le bon choix/ De sortir de ce pas réveiller l’eau qui dort/ Pour nos services publics soi-disant pavés d’or… ».

Et Tu mets l’souk Pénicaud (musique: T’as le look coco de Laroche Valmont) dévoile les dessous de la casse du code du travail: « Tu mets l’souk Pénicaud/ Pénicaud tu mets l’souk…// Mépris de classe et forcing/ Ça c’est le standing/ En Marche déroule le modèle/ Startup, uber, bordel/ Managing à coup d’savates/ Hey t’es viré d’ta boîte!». Les dénonciations ne suffisent bien sûr pas et Gaëtan Thomas appelle aussi à la lutte. Il avertit le président: «Retour à la grève générale/ Aux blocages vive la sociale !/ Le peuple va épouser la Rue/ Tout n’est pas perdu !// … Les faignants sont dans la rue!» (Rouler les Français dans la farine, musique: L’Amour à la machine d’Alain Souchon). Et dans La Gangrène (musique: La Bohème de Charles Aznavour) l’index est pointé vers la solution électorale: « En votant Mélenchon/ On pourra pour de bon/ Réformer ce système/ Révoquer ces gens-là/ Qui agissent comme ça… // La gangrène la gangrène/ Peut appartenir au passé/ La gangrène la gangrène/ Il vous suffit de bien voter ».

Même si la tradition de la chanson politique ne s’est jamais éteinte en France, elle connaît sans doute aujourd’hui un regain de vitalité et une plus forte inscription dans l’actualité. Et c’est une joie pour les militants qui pensent que la politique se fait aussi avec le cœur, sans oublier la fête ni la poésie, ainsi que pour les jeunes qui veulent utiliser leurs dons artistiques pour aider la transformation sociale.

 

1) voir https://www.facebook.com/choeurinsoumis/
2) voir https://lafranceinsoumise.fr/2018/03/19/ecrire-chanson-insoumise-2/
3) le mieux pour les visionner est de consulter You Tube et de taper le mot-clé Gaëtan Thomas, qui ouvre toute la liste de ses productions.