Le Tribunal allège la peine d’Anni Lanz

Suisse • L’activiste des droits humains Anni Lanz comparaissait en justice à Brigue le 6 décembre dernier pour aide à l’entrée illégale d’un requérant d’asile afghan gravement traumatisé. Le Tribunal l’a condamnée, mais a réduit la peine initiale.

Une cinquantaine de personnes venues de toute la Suisse sont venues soutenir Anni Lanz. (Sosf)

L’ambiance était inhabituelle ce jeudi 6 décembre à Brigue, en Haut-Valais. Une cinquantaine de personnes venues de toute la Suisse ont marché depuis la gare jusqu’au Palais Stockalper pour montrer leur soutien à Anni Lanz, l’activiste des droits humains qui comparaissait devant le tribunal pour avoir aidé un requérant d’asile en détresse à franchir la frontière à Gondo. Avec leur rassemblement pacifique, elles demandaient l’acquittement total de l’ancienne secrétaire de Solidarité sans frontières, aujourd’hui âgée de 72 ans.

Renvoi d’un homme gravement traumatisé

Tout commence en avril 2017, lorsqu’un homme afghan, Tom*, se réfugie en Suisse auprès de sa sœur et son beau-frère après avoir fui les Talibans. Son père, resté en Afghanistan, est tué en représailles. Après être arrivé en Suisse, Tom apprendra que sa femme et son enfant ont également été assassinés. Le choc est terrible. Selon plusieurs rapports médicaux, Tom souffre d’un sévère syndrome de stress post-traumatique. Entre juillet 2017 et janvier 2018, il est admis quatre fois dans une clinique psychiatrique. Il fait plusieurs tentatives de suicide.

Malgré son état de santé alarmant, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) décide de le renvoyer en Italie, pays que Tom a traversé en arrivant en Europe. Anni Lanz, qui effectue régulièrement des visites à la prison de renvoi bâloise de Bässlergut le rencontre en février 2018. Quelques jours après, Tom est renvoyé à Milan puis, expulsé d’un centre d’asile, il se retrouve à la rue sans habits chauds. Il passe plusieurs nuits dehors, sans veste ni manteau, avant de réussir à gagner Domodossola d’où il peut contacter ses proches.

« Il n’y avait pas de moyen légal d’aider Tom »

Lorsqu’elle apprend dans quelle situation se trouve Tom, Anni décide de se rendre à Domodossola pour l’aider. Lors du procès, elle a affirmé avoir d’abord essayé de trouver une solution pour lui en Italie. Mais, explique-t-elle, «les amendes pour aider une personne sans permis de séjour sont extrêmement lourdes en Italie et les gens ont vraiment peur de faire quelque chose». Impossible donc de lui trouver une chambre d’hôtel ou une place dans un hôpital. Et la situation est urgente, car l’état psychique et physique de Tom est inquiétant. Anni décide de le ramener en Suisse, auprès de sa famille. A la frontière, ils sont contrôlés, arrêtés et Tom est renvoyé en Italie. Anni reçoit une amende de 300 francs assortie, de trente jours-amendes à 50 francs. Elle décide de faire recours, pour s’opposer à la criminalisation de la solidarité, mais aussi pour dénoncer le renvoi de Tom en Italie.

Lors de son interrogatoire par le juge, Anni Lanz a d’ailleurs révélé que le secrétaire général du département de justice et police de Bâle Campagne s’était récemment excusé auprès d’elle et lui a dit que cette expulsion vers l’Italie n’aurait pas dû avoir lieu. Pourtant, les nombreux arguments qui plaidaient en faveur de l’acquittement d’Anni -impossibilité d’aider Tom en Italie, honorabilité des motifs de la Bâloise, etc. – n’ont pas suffi à convaincre le juge. Dans son jugement rendu le 10 décembre par écrit, il a néanmoins condamné Anni Lanz pour aide à l’entrée illégale à une amende de «seulement» 800 francs, soit 1’000 francs de moins que l’amende initiale. A ce jour, l’intéressée n’a pas encore décidé si elle fera recours ou non contre cette décision.

 

*Prénom d’emprunt

L’histoire complète de Tom et d’Anni Lanz, ainsi que le jugement du 7 décembre 2018 peuvent être consultés sur www.sosf.ch

 

Dublin: 10 ans de renvois

Ce 12 décembre, cela faisait exactement dix ans que la Suisse a commencé à appliquer le règlement Dublin. A cette occasion, les associations de défense des réfugiés ont tiré la sonnette d’alarme et rappelé que malgré une forte mobilisation citoyenne contre le système Dublin, le SEM et les cantons continuent à renvoyer massivement, y compris des personnes vulnérables, vers d’autres États Dublin, en particulier l’Italie. L’histoire de Tom nous rappelle la violence de cette réalité. Celle d’Anni, que la solidarité est plus que jamais un devoir, quelle qu’en soit le prix.