Une initiative qui ne remet pas en cause le système santé

Suisse • Le PS Suisse lance une initiative pour que personne en Suisse ne consacre plus de 10% de son revenu au paiement des primes d’assurance maladie. Le financement serait assuré par la Confédération et les cantons.

Sur fond de campagne électorale, le PS Suisse a lancé mardi son initiative fédérale pour l’allégement des primes d’assurance maladie. Le texte vise une augmentation des fonds destinés aux réductions individuelles des primes, qui serait financée aux deux tiers par la Confédération et à un tiers par les cantons. Les chiffres articulés lors de la conférence de presse à Berne sont parlants et expliquent pourquoi la question de la santé et des caisses maladie est une des préoccupations principales des habitants de Suisse. En 2018, le coût moyen des primes est passé à 14% du revenu – bien loin des 8% promis par le Conseil fédéral au moment de la création de la LAMal – tandis que des primes flirtant avec les 20% du revenu ne sont plus une exception. Depuis l’introduction de la LAMal en 1996, la prime standard a augmenté de 154%, alors que les salaires et les rentes AVS n’ont que faiblement progressé.

Parallèlement à cette augmentation, on constate également une baisse des réductions individuelles des primes au niveau cantonal, comme l’a précisé Reto Wyss, secrétaire central de l’USS, qui observe qu’aujourd’hui, «11 cantons dépensent moins en réduction de primes qu’il y a dix ans». La combinaison des deux facteurs conduit à une charge insoutenable pour les budgets des bas et moyens revenus et pousse de plus en plus de gens «à renoncer à des soins indispensables parce qu’ils n’ont plus les moyens de payer des frais supplémentaires», a souligné le conseiller national PS et médecin de famille Angelo Barrile.

Il faudrait aller plus loin

Pour Brigitte Crottaz, médecin et conseillère nationale PS, le canton de Vaud serait la preuve que la solution proposée par l’initiative peut fonctionner. Ce canton a décidé en effet de plafonner à 10% le poids des primes sur le revenu des ménages à partir de ce 1er janvier.

Une mesure adoptée à titre de compensation sociale à la réforme cantonale de l’imposition des entreprises (RIE III). Avec l’introduction de ce plafonnement, le nombre de bénéficiaires d’une aide passeront de 200’000 à environ 270’000 personnes, soit environ 39% de la population vaudoise. Les coûts pour les collectivités publiques, eux, augmenteront de 50 à 60 millions pour atteindre un total d’environ 550 millions de francs par an.

Si l’initiative a le mérite de vouloir apporter une bouffée d’air à de nombreux ménages, elle reste néanmoins assez limitée sur le fonds. Pour Anaïs Timofte, candidate au Conseil d’État vaudois pour le Parti ouvrier populaire (POP), «l’initiative ne cherche pas à résoudre le problème de l’augmentation des primes, mais d’en faire financer une partie plus importante par l’État. On ne touchera pas les intérêts des assureurs privés et de l’industrie pharmaceutique, et on restera dans une logique du tout-subside».

Certains se demandent également comment un tel financement supplémentaire serait tenable à long terme, surtout s’il est combiné, comme dans le cas vaudois, à une baisse des recettes publiques liée aux cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises. C’est ce qui inquiète le conseiller national et membre de l’exécutif du Locle Denis de la Reussille: «Ce que propose l’initiative est mieux que le statu quo, car elle allégera le budget de personnes qui en ont besoin. Néanmoins, elle n’est pas idéale, car on continuera avec le même système, sans remettre aucunement en cause le fonctionnement et la gestion actuelle des caisses privées. Les cantons reporteront une partie des charges sur les communes, dont un certain nombre fait déjà face à d’énormes difficultés financières». C’est entre autres le cas de Rolle (VD), qui subit justement les contrecoups… de la baisse des impôts des entreprises causée par la RIE III vaudoise! Si l’on ne peut que soutenir l’initiative du PS dans le souci de soulager quelque peu les budgets des classes populaires, s’attaquer aux causes profondes du problème impliquera de remettre en question la gestion néolibérale des collectivités publiques et du système de santé.

 

Réactions en chaîne suite à l’arrêt du Tribunal fédéral

Suite à l’invalidation, le 22 janvier 2019, par le Tribunal fédéral, des normes du canton de Lucerne relatives aux subsides d’assurance maladie, jugées trop strictes, plusieurs cantons ont revu à la hausse leurs critères d’octroi d’une aide. Le 31 janvier, le gouvernement lucernois a annoncé qu’il allait augmenter le volume annuel de réduction d’au moins 25 millions.

St-Gall a suivi le 19 février en annonçant une hausse de 12 millions par an. Le 21 février, c’était au tour du Conseil d’État valaisan de décider d’augmenter les réductions individuelles de primes pour 3200 enfants et jeunes en formation.

Enfin, le 22 février, le gouvernement neuchâtelois a adapté les limites de revenus donnant droit aux subsides. Dans ce canton, bien que la réforme des subsides entrée en vigueur le 1er janvier dernier ne soit pas remise en cause, 2’200 enfants et 400 jeunes adultes supplémentaires auront tout de même droit à une réduction de prime. L’impact financier de cette mesure sera de 2,4 millions de francs dès 2019, dont 60% à charge du canton et 40% des communes. L’arrêt du TF a donc permis de freiner les coupes cantonales inacceptables dans la réduction des subsides. Du moins pour le moment…