Les errements de l’église catholique et les prédateurs

La chronique féministe • On va peut-être penser que je radote à revenir une énième fois sur l’église catholique et les scandales de la pédophilie, mais c’est elle qui s’ingénie à mettre les pieds dans la boue et à les y enfoncer.

On va peut-être penser que je radote à revenir une énième fois sur l’église catholique et les scandales de la pédophilie, mais c’est elle qui s’ingénie à mettre les pieds dans la boue et à les y enfoncer.

La dernière faute nous vient du «pape émérite» (ce titre souligne l’expérience et la pratique de Benoît XVI, premier pape de l’histoire à avoir démissionné). Au lieu de dénoncer l’aspect odieux de la pédophilie au sein de l’église, ou de se taire, pour le moins, le voilà qui prend la plume pour aligner des horreurs. On savait Joseph Ratzinger réactionnaire, mais là, il dépasse les bornes en désignant deux fautifs:

-Le concile Vatican II, ouvert le 11 octobre 1962 par le pape Jean XXIII (1958-1963), terminé le 8 décembre 1965 sous le pontificat de Paul VI (1963-1978). Le XXIe concile est considéré comme l’événement le plus marquant de l’histoire catholique au XXe siècle, symbolisant son ouverture au monde moderne, prenant en compte les progrès technologiques, l’émancipation des peuples et la sécularisation croissante, en réaction contre «l’immobilisme myope» et «la prépondérance des préoccupations juridiques sur l’inspiration évangélique», qui caractérisaient de plus en plus le catholicisme depuis… le concile de Trente (1545-1563)!

-Mai 68 et sa libération sexuelle. Ce qu’on a déjà pu dire et écrire au sujet de Mai 68! Ce vent de liberté qui balaya le monde entier, mit l’individu, le bien-être, le plaisir, le corps, les choix de vie au centre des préoccupations, au lieu de la soumission aux codes d’une société dépassée.

Pour l’ex-pape, l’Eglise s’est reniée en s’ouvrant à la modernité. Il invoque même le diable! Qui aurait la volonté d’éloigner les fidèles du Dieu vivant en se servant d’une «logique mensongère». Mais enfin, qui est dans une logique mensongère, si ce n’est l’Eglise en tant qu’institution? On imagine bien que pour un réactionnaire tel que Ratzinger, ces deux mouvements d’émancipation étaient un caillou dans son chausson papal. De là à en faire les fautifs des actes de pédophilie des «serviteurs de Dieu», il y a une distance que seul un esprit malade peut franchir. Ou un esprit particulièrement vicieux. Pourtant, c’est bien Benoît XVI qui fut le premier pape à tenter de mettre les prêtres pédophiles hors d’état de nuire. S’il a démissionné, c’est en partie à cause de l’omerta qui l’empêchait de mener à bien cette mission. Alors que pour Jean-Paul II, la valeur suprême à protéger était l’Eglise en tant qu’institution. Karol Wojtyla, universellement admiré, a ainsi sacrifié les victimes en étouffant toutes les affaires de pédophilie.

On peut se demander si Ratzinger a été manipulé par des conservateurs en opposition avec le pape François. A 92 ans, il souffre d’une maladie neurodégénérative qui le contraint à utiliser fréquemment une chaise roulante, selon son frère Georg.

D’un autre côté, la «défense» des prédateurs est toujours la même: ils nient les faits et/ou rejettent la faute sur leur victime. Les harceleurs accusent les femmes d’être trop sexy, ou de l’avoir cherché; les violeurs prétendent que la femme les a aguichés ou était consentante; les pères incestueux mettent en avant les transformations physiques de leur fille, qui «faisait la coquette» ou développait des attitudes de séduction.

Dans un autre domaine, les malfaiteurs que sont les entreprises de forage, les industries pharmaceutiques ou chimiques qui rejettent leurs saloperies dans les fleuves, les lacs et les mers, polluent les terres et rendent les habitant.e.s malades, commencent par nier leurs responsabilités, falsifient des rapports ou paient des «scientifiques» pour en établir d’autres qui les blanchissent. Comme les vendeurs d’armes, jusqu’en Suisse, qui prétendent ne faire du commerce qu’avec des pays qui ne sont pas en guerre.

Parmi les plus cyniques figurent les cigarettiers. Chaque année, la cigarette tue 5,5 millions de vies (ce qui remplirait 24 pyramides de Khéops!), c’est plus que le paludisme, le sida, la guerre, le terrorisme. 100 millions de morts au XXe siècle, sans doute un milliard pour le siècle en cours. «La cigarette est l’invention la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité», résume Robert Proctor, historien des sciences, professeur à la prestigieuse université Stanford. Le 14 décembre 1953, les grands patrons du tabac se retrouvent discrètement à l’hôtel Plaza de New York. Quelques mois auparavant, des expériences menées sur des souris ont montré que le produit qu’ils vendent est cancérigène (les médecins allemands le savaient depuis les années 1920).

Le but de ces patrons criminels était de rendre les fumeurs le plus accro possible en ajoutant au tabac plusieurs centaines de composés – accélérateurs de combustion, ammoniac, adjuvants divers, sucres, etc. Ils vont tout faire pour maintenir le doute scientifique, qui retardera la prise de conscience sur les ravages de la cigarette. Ce n’est qu’en 1964 que les autorités sanitaires américaines commencent à communiquer sur le lien entre tabac et cancer du poumon. Robert Proctor précise que parmi ceux qui aiment la bière ou le vin, seuls 3 % sont accros à l’alcool, alors qu’entre 80 % et 90 % des fumeurs sont dépendants. «C’est une forme d’esclavage», conclut-il.

Tous ces nuisible commencent par nier, avant d’attaquer leurs victimes. Ils ne reculent devant rien pour faire taire leurs opposants: intimidations, menaces, accusations. Ils ont les moyens d’engager des avocats et de se lancer dans d’interminables procès, parfois même contre des Etats.

Non, ni Vatican II ni Mai 68 ne sont responsables de la pédophilie qui règne au sein de l’église catholique. La faute en revient à sa hiérarchie et à ses règles aberrantes de chasteté, qui rendent ses serviteurs malades et/ou pervers. C’est le système qu’il faudrait changer. Mais l’église reste sourde, aveugle et de mauvaise, malgré les scandales à répétition qui la secouent.

Sans rapport avec ce qui précède, Notre-Dame de Paris, symbole de l’église catholique universellement connu, a subi les flammes de l’enfer pendant huit heures, lundi 15 avril. Elle n’a pas été détruite au Moyen Âge quand on s’éclairait à la bougie, ni durant la Révolution française, ni pendant les deux guerres mondiales, mais au XXIe siècle, entourée d’échafaudages en vue d’une restauration qui devait durer une douzaine d’années. Probablement parce qu’on a économisé sur les mesures de sécurité. «Il y a deux choses infinies, disait Einstein, l’univers et la bêtise humaine, et encore, pour l’univers, je n’en suis pas sûr.»