Le quota par listes est à privilégier

Neuchâtel • Fin mai, le Grand Conseil rejetait (1) un projet de loi prévoyant que le législatif cantonal soit composé de 50 femmes et de 50 hommes pour les trois législatures suivantes. Explications.

«Le POP-PST a été le précurseur de la plupart des combats au niveau social, environnemental ou féministe.» (DR)

Anticipant une non-conformité constitutionnelle du projet de loi, le POP a décidé de promouvoir une solution alternative, par le dépôt d’un projet de loi et de motions: les «quotas par liste» et l’amélioration des conditions-cadres, favorisant réellement l’engagement des femmes dans la politique parlementaire.

En quoi cette proposition de «quotas par liste», imposant une proportion minimale de candidat.e.s d’un sexe ou de l’autre sur une liste électorale, est-elle pertinente?

Parce qu’elle respecte le principe constitutionnel de non-discrimination. Pour rappel, tout comme le «jeunisme» consiste à l’éviction des travailleuses.eurs plus âgé.e.s., la proposition initiale soumise au Grand Conseil comprenait l’éviction de représentant.e.s du genre opposé. Or, «les normes et les institutions qui favorisent la cohésion sociale et par voie de conséquence le développement durable et inclusif se caractérisent par l’absence de discrimination entre les sexes, […], les âges et les groupes ethniques»(2). Les «quotas par liste» sont conformes à cet impératif, garantissant les principes constitutionnels d’égalité et de liberté démocratique.

Les quotas de liste ont fait leur preuve

Dans une démocratie, les citoyen.ne.s doivent être pleinement libres d’exprimer leur volonté individuelle, constitutive de la volonté générale. En complémentarité aux droits de référendum et d’initiative, notre démocratie, bien que représentative, ne peut se soustraire à ce principe. Or, les «quotas par liste» ont l’avantage de garantir la liberté des citoyen.ne.s. et ainsi, de par leurs conformités constitutionnelles, de voir le jour (3).

Parce que les «quotas par liste» ont fait leur preuve. Si certains pays ou cantons sont parvenus à augmenter drastiquement leur représentation féminine, voire, pour les premiers, à dépasser les 50%, sans recours à ce type d’artifice, ceux-ci semblent néanmoins pertinents au vu de l’expérience notamment des pays du nord de l’Europe.

Prise en charge des frais de garde

Reste que l’engagement des citoyen.ne.s dans la politique parlementaire relève également du renforcement des conditions-cadres. Trop de femmes assumant encore deux journées en une ou subissant, malgré la législation en vigueur, des inégalités salariales, le POP a déposé plusieurs motions. Celles-ci contribuent à compenser en partie non seulement l’impact de l’activité parlementaire, mais aussi s’attaquent aux causes des inégalités au sein de la société: prise en charge de frais de garde des enfants durant les séances parlementaires; rapport et actions sur les discriminations au sein de la fonction publique et parapublique; renforcement des moyens de contrôle du marché du travail…

Pour rappel, le POP-PST a été le précurseur de la plupart des combats, que ce soit au niveau social bien entendu, mais aussi environnemental (protection de la nature, des Crêtes du Jura ou de l’épuration des eaux) ou féministe, à l’instar de Louisa Vuille (1901-1994), qui a fait récemment l’objet d’un excellent article dans la Tribune de Genève. Le combat des partisans et autres citoyen.ne.s a permis – et pourtant si tardivement – d’aboutir, en 1971, au droit de vote et d’éligibilité des femmes… aux principes constitutionnels d’égalité salariale (1981) et sa loi (1996), puis, grâce à la grève des femmes de 1991, à l’assurance-maternité (2005).

Parce que leurs causes sont similaires, la lutte pour la protection de l’environnement et le renforcement de la justice sociale pour les plus démunis, qu’ils soient femmes, hommes, transgenres, chômeurs.euses, travailleurs.euses, retraité.e.s, invalides, montagnard.e.s, migrant.e.s,… doivent être plus que jamais une priorité.

 

1. Il est à noter que l’entrée en matière a été refusée par 55 voix contre 52. Sur 6 élus, un député popiste l’a refusée, deux se sont abstenus et un l’a accepté. Deux de leurs député.e.s ont par ailleurs dû partir pour des raisons… d’allaitement. Deux députés verts étaient, quant à eux, absents et une socialiste s’est abstenue.

2. Jacquemot, Pierre & Co, Le dictionnaire du développement durable, Sciences humaines éditions, Auxerre, 2015, p. 87.

3. Il est à noter que le système parlementaire neuchâtelois a commencé à se cloisonner, voire à se scléroser: – dès 2021 – réduction du nombre de députés, passant de 115 à 100; suppression du principe de territorialité qui assurait une politique de proximité entre les citoyen.ne.s et leurs représentant.e.s.; – en discussion au parlement – éviction du parlement des membres des exécutifs de certaines localités et allongement des mandats des élus de quatre à cinq ans. Or, à contre-courant de ce processus, les «quotas par liste» ont l’avantage de ne pas fragiliser la démocratie.

 

Lettre de lecteur

Une occasion manquée pour l’égalité

Membre des Verts et conseiller communal (exécutif) de la commune de Val-de-Ruz (NE), Roby Tschopp regrette le rejet du projet de loi de parité pour les trois prochaines élections du Grand Conseil dès 2021.

Fidèle lecteur de Gauchebdo, je ne peux pas retenir un cri du cœur. Le 29 mai, le Grand Conseil neuchâtelois, à majorité de gauche, refusait pour 3 voix l’introduction de la parité femmes-hommes dans ses propres rangs. Les voix manquantes? Celles du POP!

En 2019, année des femmes, un coup de poignard dans le dos inexplicable frappe la lutte pour l’égalité. L’inexplicable s’épaissit en prenant connaissance de l’argument popiste: la parité n’est pas démocratique.

Le POP propose ses mesures pour aller vers l’égalité: une crèche pour la députation et 40% de candidates sur les listes dès 2029! Le POP neuchâtelois a donc intégré l’équation femme = mère. Et lorsque l’on sait qu’une femme en liste a entre 10% et 20% de chance en moins de se faire élire qu’un homme, l’ambition du POP en matière de parité plafonne à un tiers.

Morale: les excellents articles des rédactrices de Gauchebdo, qui décodent numéro après numéro les mécanismes structurels du machisme dominant restent encore une parole dans le désert, hélas. Raison de plus pour poursuivre la lutte, plus que jamais.