Pourquoi je boycotterai Geneva Pride 2019

Lettre de lectrice • En tant qu’historienne, sociologue, militante et transsexuelle, qui étudie le pouvoir transformateur de mouvements sociaux, je suis choquée par l’ignorance apparente du comité de la Pride de Genève face aux dangers et à la complexité d’une sous- et contre-culture de la part des intérêts des entreprises mondiales. (Dana Mahr, Science Studies and Queer Studies, Université de Genève Traduction Danilo Sandino)

En tant qu’historienne, sociologue, militante et transsexuelle, qui étudie le pouvoir transformateur de mouvements sociaux tels que les Black Panthers, le Women’s Health Movement, les Stonewall Protests et les marches ActUP sur le VIH, je suis choquée par l’ignorance apparente du comité de la Pride de Genève face aux dangers et à la complexité d’une sous- et contre-culture de la part des intérêts des entreprises mondiales. (…)

Nous, les LGBTQIA+, sommes sexy, fiers de notre identité, mais cela nous rend aussi très intéressants pour les experts en marketing des entreprises multinationales, non seulement comme cibles de publicité mais aussi comme objets de leurs campagnes d’image.(…)Je crois que les membres du comité de la fierté n’ont pas été pleinement conscients de la complexité et des dangers de tels partenariats pour nos objectifs et notre identité. Du moins, je n’ai pas d’autre explication pour le financement important qu’ils ont reçu de Philip Morris Inc, une entreprise de tabac, connue pour des marques comme Marlboro. Je sais que de grands projets comme celui de cette année ont besoin d’un financement supplémentaire pour réussir et que le parrainage privé est un moyen d’y parvenir, mais nous devrions également nous assurer de ne faire équipe qu’avec des entreprises qui sont compatibles avec nos valeurs et qui restent fidèles à notre responsabilité envers l’esprit libéral et révolutionnaire de Stonewall.

Pour Philip Morris, ce n’est pas le cas, même si l’entreprise s’inscrit dans les critères (à mes yeux superficiels) de partenariat utilisés par le comité. L’établissement d’un programme de diversité pour les employés au sein de l’entreprise est une bonne chose, mais cela ne doit pas nous empêcher de voir ses actions et objectifs politiques, culturels, sociaux, économiques et écologiques. Le «Pink Washing» de Philip Morris est hypocrite, car en plus de son «engagement» pour les marches de la fierté, il finance également les campagnes des politiciens qui suivent les agendas anti LGBTQIA+, traite avec des régimes oppressifs et a commencé à vendre agressivement ses produits aux enfants et jeunes des pays dits sous-développés (surtout sur le continent africain) en évoquant de manière superficielle le rêve de liberté et de révolte tout en stabilisant les structures politiques dictatoriales qui excluent et stigmatisent de jeunes LGBTQIA+.

Voulons-nous vraiment servir d’outil de marketing pour une entreprise aussi bigote? Voulons-nous que le message puissant, rebelle et inclusif de Stonewall devienne un slogan publicitaire? Le hashtag #MakeHistory de cette année devrait-il être un phare de diversité et d’espoir, ou aura-t-il le goût amer d’un mégot de cigarette du week-end dernier?

Si les organisateurs ne reconsidèrent pas leurs critères de financement, ma boussole éthique ne me permettra pas de participer à la fierté de cette année.