Le TF malmène le droit de grève

Il faut le dire • En Suisse, le droit de grève est reconnu par la Constitution, mais il ne faudrait pas trop pousser.

En Suisse, le droit de grève est reconnu par la Constitution, mais il ne faudrait pas trop pousser. Suite à un recours interjeté par les 4 secrétaires syndicaux de Syna et du SSP-VPOD contre l’arrêt du Tribunal cantonal neuchâtelois, qui avait validé leur condamnation pour violation de domicile et diffamation, le Tribunal fédéral s’est prononcé le 1er juillet, sur le cas de la grève de la clinique la Providence.

Tout en acquittant les syndicalistes, la plus haute juridiction du pays considère que le piquet de grève, tenu par une vingtaine d’infirmières devant l’hôpital privé neuchâtelois, était illicite. Celles-ci avaient croisé les bras à la fin de l’année 2012 pour tenter de maintenir la Convention collective de travail (CCT) Santé 21 menacée par la Fondation de l’Hôpital de la Providence dans le cadre de la reprise de son activité par Swiss Medical Network (SMN, ex Genolier). Elles avaient finalement été licenciées avec effet immédiat le 4 février 2013.

Dans son argumentaire, le TF a considéré que cette grève était devenue politique au fil du temps et des rebondissements du mouvement, hors du champ des relations de travail, qu’elle n’était plus proportionnée, ce qui la rendait illicite. De plus, le fait que la direction de l’hôpital avait donné des garanties que la Convention collective resterait en vigueur une année supplémentaire, faisait que le mouvement de grève ne préservait plus la paix du travail. Ilicite? A voir. Mais une grève justifiée et légitime, sinon comment expliquer que ces infirmières aient bravé, vaille que vaille, le froid durant des semaines pour exprimer leurs revendications.

Pour les syndicats, cette décision vide finalement le droit de grève de sa substance. «Le TF se réserve le droit de pouvoir juger, après coup, si les revendications du personnel étaient “proportionnées” ou non. Ce jugement ouvrirait grand les portes au dumping salarial: selon l’approche du Tribunal fédéral, même la sous enchère des conditions de travail et de salaire dans une branche économique ne suffirait pas à légitimer l’exercice du droit de grève!», insiste le syndicat SSP. Il vient de déposer cette semaine un recours contre cette décision et le licenciement du personnel infirmier devant la Cour européenne de justice.

Le combat des syndicats pour préserver le droit de grève est d’autant plus important qu’en Suisse, la situation des salariés est particulièrement fragile, du fait d’un Droit du travail parmi les plus léger du monde, permettant les licenciements express, avec des indemnités minimales.