Vague verte et féminine aux élections nationales

La chronique féministe • «Vague verte à Berne, tsunami à Genève» titrait lundi 21 octobre La Tribune de Genève, en une, avec un dessin représentant le Palais fédéral d’où sortent des arbres du toit, des murs et des fenêtres. Un beau résumé de la journée «historique» du dimanche 20 octobre 2019, dont on se souviendra longtemps.

«Vague verte à Berne, tsunami à Genève» titrait lundi 21 octobre La Tribune de Genève, en une, avec un dessin représentant le Palais fédéral d’où sortent des arbres du toit, des murs et des fenêtres. Un beau résumé de la journée «historique» du dimanche 20 octobre 2019, dont on se souviendra longtemps. Qui a dit que la politique helvétique était ennuyeuse?

Dimanche, c’était la folie. Je suis restée devant le poste de télévision depuis midi jusqu’au soir, renonçant même au concert de 17 heures au Victoria Hall, parce que je ne voulais pas perdre une miette de mon bonheur. Pour une fois que nous faisons partie des vainqueur-e-s!

Il y avait deux enjeux majeurs lors de ces élections nationales: faire basculer à gauche la majorité de droite, qui a bloqué toutes les avancées pendant quatre ans (101 sièges entre le PLR et l’UDC) et donner un signal clair en faveur des Vert.e.s, afin de sauver les espèces vivant sur Terre, dont l’humanité.

Au fur et à mesure que les résultats tombaient, on constatait le succès quasi général du PES (28 sièges, +17), salué par des explosions de joie, et le recul des partis UDC (53, -12), PLR (26, -4), PBD, qui perd plus de la moitié de ses sièges (3, -4), PDC (25, -2) et la déculottée du MCG, qui disparaît du National, pour ne plus y revenir, j’espère.

Malheureusement, la poussée des Verts a grignoté également le PS (39, -4). Dorénavant, la gauche (gauche de la gauche, PS, PES) détient 69 sièges, la droite dure (UDC et PLR) en occupe 85, et n’a plus la majorité. Le PDC avec ses 25 sièges pourrait retrouver son rôle de parti du centre. Quant au PVL (16 +9), ses membres voteront avec les Vert.e.s sur les questions environnementales, comme la gauche, ce qui représente 85 voix.

Il faudra que d’autres député-e-s conscient-e-s de l’urgence climatique votent vert pour que passent les propositions de lois.

Un autre enjeu était espéré: une meilleure représentation féminine. Là aussi, c’est gagné: 84 élues sous la coupole, soit 42% des sièges! Au lieu de 33% avec 66 femmes lors de la législature précédente. Grâce à cette avancée, la Suisse remonte de la 38e à la 15e place sur 190 pays, elle n’est plus loin des pays nordiques (41 – 47%). Un beau succès.

A Genève, elles sont 6 élues sur 12, dont 4 de gauche. Et Lisa Mazzone cartonne aux Etats, devant Carlo Sommaruga, tous deux loin devant le ticket PLR-PDC. Autre sujet de satisfaction: la gauche de la gauche retrouve un siège et les Vert-e-s, avec 3 sièges sur 12, devient le premier parti de la représentation.

Il est intéressant, à propos de la représentation des femmes, de se pencher sur les résultats des partis. Ceux qui présentent autant de femmes que d’hommes, de manière alternée, sont ceux qui, sans surprise, obtiennent le plus d’élues: Le PS (25 femmes sur 39, 64%) et les Verts (17 sur 28, 61%). Plus de la moitié, donc.

Mais presque tous les partis ont connu une forte progression. Le PVL a passé de 43% à 50% de participation féminine, le PLR de 21 à 36%, même l’UDC a progressé de 17 à 25%, restant le cancre de la députation. Seul le PDC a reculé, passant de 33 à 28%, ce qui est étonnant pour ce parti, qui était plutôt bon élève en la matière. Genève, Berne et Fribourg affichent des délégations plus féminines qu’en 2015 et atteignent, voire dépassent la parité.

Cette évolution est à mettre en perspective avec la proportion de candidates, également en forte progression, ce qui est probablement une conséquence de la Grève féministe du 14 juin. Reste à savoir si le Conseil des Etats suivra la même tendance.

On n’est pas étonné-e de constater que les deux Appenzell, Glaris, Nidwald, Uri n’envoient aucune femme au Conseil National, mais on est consterné-e que 3 cantons romands n’aient pas non plus élu de femme: le Jura (d’habitude plutôt progressiste), Neuchâtel et le Valais, qui a perdu sa seule élue. Ces cantons ont encore des progrès à faire!

Toute avancée féminine provoque invariablement des réactions machistes. Voici quelques perles proférées lors de la campagne ou après les résultats: L’UDC neuchâtelois Yvan Perrin, à propos de la candidate verte Céline Vara: «Elle est agaçante, elle agace tout le monde». Cruauté du calendrier: il a été évincé, alors qu’elle est élue au Conseil des Etats! La joie étonnée de la Verte faisait plaisir à voir.

L’UDC valaisan Oskar Freysinger, responsable de la campagne de son parti, parle d’«hystérie verte» à propos de l’avancée du PES. Sait-il que «hystérie» vient du mot «utérus»?

L’UDC Yves Nidegger (élu genevois) affirme que le succès des Verts est une «mode», qui va retomber, comme après Fukushima en 2011. Il ajoute une couche en refusant de réagir au moindre éternuement de Greta Thunberg.  L’UDC est non seulement le parti le plus machiste de Suisse, mais il semble n’avoir pas compris l’urgence de la situation. Il ne s’agit pas d’une «mode», mais d’une prise de conscience de tout ce qu’il faut faire pour que la Terre ne devienne pas un désert inhabitable, comme le répètent les scientifiques du monde entier. Les millions de jeunes qui descendent dans la rue l’ont bien compris, eux. Même le PLR a fait un virage à 180°.

En plus des phénomènes «vert» et «femmes», il y eut une donnée «jeunes», qui se sont davantage rendus aux urnes. 21% des 18-25 ans ont voté vert. Beaucoup de jeunes ont été élu-e-s, tandis que de vieux briscards de la politique buvaient la tasse, comme Yvan Perrin et l’UDC fribourgeois Jean-François Rime, président de l’USAM, ainsi que le directeur de l’USAM Hans-Ulrich Bigler (PLR ZH), ou le PDC vaudois Claude Béglé, à cause de ses tweets élogieux à l’égard du régime nord-coréen.

La moyenne d’âge du National est désormais de 49 ans. Des lauréates ont relevé qu’il est plus difficile pour une femme de faire de la politique. Cela semble ne pas avoir découragé les centaines de candidates qui se sont présentées cette année, ni les personnes qui ont voté pour elles.

Mais je continue à penser qu’il faudrait une loi sur la parité, afin que la représentation soit enfin juste. 42% de femmes, c’est magnifique, Micheline Calmy-Rey, invitée au TJ de lundi soir, s’en réjouissait. On a souvent relevé que lorsqu’il y eut 4 femmes sur 7 au Conseil fédéral, non seulement l’ambiance était meilleure mais des décisions courageuses ont été prises, comme la sortie du nucléaire.

La société a besoin des femmes. J’espère que ces changements permettront d’avancer sur un certain nombre de sujets importants: l’égalité salariale, l’augmentation des crèches, un congé parental digne d’un des pays les plus riches du monde.

En plus de mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique. La législature qui s’ouvre nous redonne de l’espoir…