Une obligation complexe et controversée

Suisse • Le SECO se félicite de la mise en œuvre de l’obligation d’annonce des postes vacants, tandis que les acteurs de terrain contestent son efficacité.

La majorité des postes vacants publiés est issue de l’hôtellerie et de la restauration ainsi que du secteur du bâtiment, selon le rapport de la SECO sorti le 1er novembre dernier. (DR)

«Conforme à la loi et efficace». C’est en ces termes que le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) s’est félicité de la première année de mise en œuvre de l’obligation d’annonce des postes vacants dans un rapport publié le 1er novembre dernier.

La mesure serait respectée par les employeurs, bien que beaucoup s’en plaignent – comme en général de toute obligation qui entrave un tant soit peu leur liberté d’entreprendre. La baisse du chômage et de l’immigration, qui était l’effet souhaité par le parlement, semble en revanche nulle. Le rapport a d’ailleurs complètement évacué la question.

Petit rappel historique. Le 9 février 2014, l’initiative de l’UDC «contre l’immigration de masse» était acceptée par 50,3% des votants. Le principe d’un contingentement du nombre d’autorisation de séjour délivrées était ainsi inscrit dans la Constitution suisse.

Après d’intenses débats portant sur la manière d’appliquer cet article 121a tout en ne froissant pas l’UE, le Parlement avait finalement adopté en décembre 2016 une loi d’application basée sur la «préférence indigène light» afin de réduire l’immigration et le chômage.

Concrètement, cela consistait d’une part à faciliter l’accès à l’emploi pour les personnes relevant du domaine de l’asile et, d’autre part, à introduire une obligation d’annonce aux Offices régionaux de placement (ORP) des postes vacants dans certains genres de professions dont le taux de chômage est supérieur à 8% (5% à partir du 1er janvier 2020). Cette disposition est combinée à un embargo de cinq jours durant lesquels l’employeur ne peut pas publier son offre par d’autres moyens.

200’000 postes annoncés pour 4’800 embauches

Entrée en vigueur en juillet 2018, cette mesure a conduit, selon les chiffres publiés par le SECO, à l’annonce de 200’000 postes aux ORP par les entreprises et les agences de placement privées durant la première année de mise en œuvre. La majorité provient des secteurs de l’hôtellerie/restauration, de la construction et de l’industrie. Les ORP ont de leur côté transmis au total 195’000 dossiers en réponse à ces annonces. Le résultat en termes d’emploi est néanmoins fort mince, puisqu’un engagement n’a eu lieu que pour environ 4’800 annonces.

«Cette mesure favorise les relations entre les patrons et les ORP, ce qui est positif», commente Aïcha Schutz, permanente à l’Association pour la défense des chômeurs Neuchâtel. «D’un autre côté, c’est un peu la montagne qui accouche d’une souris, avec beaucoup de complications administratives par rapport aux effets concrets sur un monde de l’emploi de plus en plus agressif».

Même son de cloche du côté de l’Association 50etplus qui lutte contre la discrimination des personnes de plus de 50 ans sur le marché de l’emploi. Pour le trésorier de l’association Eric Battisti, «l’idée n’est pas mauvaise mais ne va pas changer la donne. Les employeurs font l’annonce par obligation puis engagent finalement la personne qu’ils veulent.» Pour améliorer la situation sociale «détestable» des chômeurs de plus de 50 ans, l’association genevoise revendique des mesures concrètes comme des rentespont pour les chômeurs âgés, l’interdiction des licenciements de substitution, le nivellement des cotisations et l’obligation de garantir une formation continue dans les entreprises.

Du grain à moudre pour l’UDC?

Le syndicaliste tessinois d’Unia Leonardo Schmid va encore plus loin dans la critique d’une mesure qui, juge-t-il, «ne sert strictement à rien». Pour lui, «les seules mesures qui auraient un effet sur le dumping salarial et le taux de chômage sont l’introduction d’un salaire minimum, l’abolition du travail précaire et la diminution du temps de travail».

A la lecture du rapport du SECO, on peut également douter que l’introduction de l’obligation d’annonce aboutira à une diminution de l’immigration. Du pain béni pour l’UDC, qui pourra continuer à jouer les calimero en se plaignant que la volonté du peuple n’est pas respectée.

Ce qui est sûr, c’est que nous voterons prochainement sur une nouvelle initiative du parti d’extrême-droite intitulée «pour une immigration limitée», visant à nouveau à limiter l’immigration et à interdire la conclusion de tout traité international «accordant un régime de libre circulation des personnes». Pour la contrer, il faudra trouver des arguments plus convaincants que l’obligation d’annonce…