La désobéissance civile à la barre des accusés

Vaud • De jeunes activistes auteurs d’une action pacifique dans une filiale du Crédit Suisse, dénonçant l’impact de la finance sur les émissions de gaz à effet de serre, font face à la justice.

Cette semaine, au Tribunal de Police de Renens, s’est donc tenu le procès des douze manifestants pro-climat. Très médiatique, il se retourne désormais, en termes de communication, contre le Crédit Suisse (CS).  A l’origine de ce procès, une action du collectif Lausanne Action Climat (LAC) fondé en 2017. Il vise «à amener la crise climatique sur l’agenda politique», selon sa page Facebook.

Pour ce faire, les militants ont organisé des parties de tennis au cœur de succursales du CS, simultanément à Genève et Lausanne. Sur une banderole, on lisait: «Crédit Suisse détruit le climat. Rodger tu cautionnes ça?. Ceci en référence au partenariat entre le célèbre tennisman Federer et la deuxième banque de la place financière helvétique dont il est l’«ambassadeur».

Jeu, set et match? Les activistes pointent ainsi du doigt les investissements du groupe bancaire dans les énergies fossiles. Malgré l’aspect bon enfant de l’événement, le CS n’a guère goûté la plaisanterie. Il a porté plainte pour violation de domicile.

En outre, les activistes climatiques sont poursuivis pour avoir manifesté sans autorisation et refusé de se conformer aux injonctions de la police. En conséquence, ils ont été condamnés à des amendes s’échelonnant de 400 à 600 francs ainsi qu’à une peine de 30 jours-amendes assortis du sursis, avec une mise à l’épreuve de 2 ans.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, et c’est sans doute ce qu’aurait souhaité CS. Mais voilà, les militants, qui jugent cette répression «démesurée et absurde», font appel de leur ordonnance pénale. Et un procès spectacle de s’ouvrir. Des ténors du barreau se proposent de les défendre gratuitement, les projecteurs médiatiques se braquent sur l’affaire. Et les investissements du CS comme de l’ensemble de la place financière se trouvent placés sous une lumière crue.  «On vous attend pour faire du bruit […] devant la salle d’audience […]. Le Crédit Suisse a demandé à ne pas être présent pendant ce procès, faisons en sorte qu’il nous entende quand même!», ont diffusé les activistes sur les réseaux sociaux en l’accompagnant d’une photo du set de la discorde.

Ils ajoutaient: «Les audiences […] sont publiques, on vous encourage à y assister si vous le pouvez». A la barre, s’exprimeront comme témoins, Sonia Seneviratne, professeure en climatologie de l’EPFZ et rédactrice pour la Suisse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le Prix Nobel de Chimie, Jacques  Dubochet et Jérémy Désir, ancien analyste chez HSBC ayant quitté son poste pour dénoncer les pratiques de la finance supposée «verte» notamment.

Faire taire la jeunesse

Le juge a précisé qu’il était «sensible à la problématique du climat […] et personnellement convaincu […] de l’urgence à agir». Et de se dire «favorable aux mouvements auxquels les prévenus ont adhéré». Il rendra, lundi, un verdict crucial qui dessinera l’avenir de la désobéissance civile dans notre pays.

S’il invalidait l’ordonnance pénale et jugeait que jouer au tennis dans une banque constitue un moyen légal de dénoncer les méfaits de la finance en particulier, et du capitalisme en général, se pourrait-il que le marché de la raquette explose?

La désobéissance civile, ce refus de se soumettre à une loi tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique, est toujours plus mobilisée à travers le monde par la nouvelle génération. Ceci singulièrement dans la lutte pour la protection du climat. Partout elle se heurte à la répression.

En France, des militants ayant délesté les mairies de leur portrait présidentiel, pour dénoncer l’absence de décisions permettant de tenir les objectifs de la COP21, se voient traînés devant les tribunaux. Ainsi à Bordeaux, des militants d’Action non-violente COP 21 encourent des amendes allant jusqu’à 500€. Le tribunal leur demande de rendre les portraits afin d’éviter une peine, ce qu’ils refusent à moins d’une action du pouvoir en faveur de l’environnement et qualifient l’exigence de «chantage» (20 minutes).

Récemment, des militants d’Extinction Rébellion se sont rassemblés devant un dépôt d’Amazon en région lyonnaise pour protester contre la surconsommation du «Black Friday». Ils ont été délogés à coup de lacrymogènes et non sans brutalité. A Barcelone, un aéroport a été envahi par des jeunes indépendantistes alertés par les réseaux sociaux. En retour, ils ont connu une violente répression policière.

A ne pas écouter et tenter de faire taire, par la police et la justice, les revendications culturelles, sociales et écologiques d’une jeunesse qui se reconnaît toujours moins dans «la politique», on prend le risque de la voir, face au désespoir, perdre son côté bon enfant.