Notre beau 8 mars

La chronique féministe • Malgré l’interdiction du défilé pour cause de Covid 19, les femmes ont fêté leur 8 mars, leur Journée internationale des femmes.

Malgré l’interdiction du défilé pour cause de Covid 19, les femmes ont fêté leur 8 mars, leur Journée internationale des femmes. Il a fait beau et doux. Les participantes arboraient la couleur violette, sur des t-shirts, foulards, pantalons, vestes, badges…

A Genève, dès 9h, ce fut l’occupation festive et militante de la Place des Grottes: accueil et informations, stand des organisations et des syndicats, témoignages, animations, selfdéfense, expo sur le «Centre femmes des années 70», contact audio avec les féministes en grève au niveau international. On fait signer des pétitions, on distribue des documents sur le 8 mars, le journal Le Courrier, qui s’est habillé de violet.

Durant la matinée, il y eut des actions intersyndicales des nettoyeuses et femmes de chambre devant divers lieux où l’on travaille le dimanche, comme les EMS. Aux HUG, il y eut un rassemblement contre la dégradation du travail du dimanche dans les services publics. Une fois de plus, le travail des femmes serait dévalorisé, alors qu’elles sont majoritaires à exercer dans la santé et le social.

11h, place des Grottes: «Une heure de notre temps, combien vaut-elle pour vous?», une action des employées de l’économie domestique, de l’hôtellerie-restaurant et du secteur tertiaire, où les femmes sont surexploitées.

A 13h30, au parc des Cropettes, eut lieu une grande manifestation féministe «Reprenons notre temps, occupons l’espace public et montrons notre colère et notre détermination: on lâche rien!»

Il y eut le groupe des «Vieilles dames indignes et indignées» (VFII), en fuchsia, la couleur de la grève de 1991. Elles portaient des pancartes confectionnées quelques jours auparavant:

Vieilles et invisibles?

Pas d’avancée depuis la Grève féministe

Le Covid 19 ne nous fera pas taire

Patriarches machos, nous voilà!

Grand-mères solidaires mais en colère Nous ne lâchons rien

Les «hommes solidaires» avaient préparé un brunch à l’UOG (Université ouvrière de Genève). On donnait ce qu’on voulait pour une soupe aux légumes ou courge-coco, avec pain et fromage, l’accès au buffet: salades, croissants, confitures, cakes, vin rouge, thé, café. Mais quand je suis arrivée à 12h30, il n’y avait déjà plus de salades. «On est en train d’en refaire», m’a-t-on appris. Difficile, hein, de nourrir famille, groupe, manif! C’est bien que les hommes se rendent compte du travail que les femmes effectuent quotidiennement dans l’ombre…

Je participai à un débat sur les violences faites aux femmes. Il ne faut rien laisser passer, chercher des témoins, des soutiens, aller porter plainte à plusieurs. Parmi les cinq femmes à la table, deux très jeunes, cela fait toujours plaisir de constater qu’il y a une relève.

A 10h30 et à 14h, les VFII ont dévoilé la «plaque» commémorative devant la crêperie «Le Nant des Grottes». Le 1er mai 1976, les féministes y occupèrent un bistrot désaffecté. Quelle fut leur première tâche? Nettoyer! Nous avons tracté durant le cortège, un homme, furieux que les tracts ne soient remis qu’aux femmes, m’en a arraché un des mains! Durant les jours suivants, un macho venait agresser les femmes du Centre. Notre victoire fut de courte durée: le Centre autonome fut détruit par les bulldozers de la Ville de Genève le 10 août 1976. En réaction, des femmes allèrent murer la porte de l’administration municipale à l’Hôtel de Ville!

Un peu avant 14h, comme il n’y avait pas de public, je prie un homme qui tient un microjouet d’aller dire aux groupes disséminés sur la place que nous allons faire une action. Il dit deux fois qu’il n’aime pas «vieille», lui préfère «mamie», mot que, justement, nous avions rejeté. C’est fou, cette manie qu’ont les hommes de dire aux femmes ce qu’elles doivent faire et penser! Comme il reste planté, je passe moi-même de groupe en groupe et nous aurons un public. A la fin de notre action, nous proposons de signer la pétition pour une vraie plaque commémorative et un nouveau «Centre femmes».

Incidemment, j’apprends que les affiches des Bastions pour les 60 ans du droit de vote à Genève ont été vandalisées. Les machos ne supportent décidément pas que les femmes se libèrent!

Partout en Suisse, à 15h24 (l’heure à partir de laquelle les femmes travaillent pour rien, à cause des différences salariales) résonna «Violador en tu camino», avec tambours colombiens et slogans chantés.

Partout en Suisse, les femmes portaient des banderoles

On lâche rien!

Fortes, fières, féministes et en colère!

Marre des salaires et des retraites de misère

Ça suffit Non, c’est non!

Patriarcat, ton temps est compté

Luttons contre la précarité

Contre le patriarcat-virus!

Partout en Suisse, nous avons toutes scandé «Sol, sol, solidarité avec les femmes du monde entier», toutes en violet, toutes en colère.

J’aime ces moments de réunion, de solidarité, de manifestation, on s’y sent bien parce qu’on n’est plus seule, parce qu’on y partage les préoccupations du quotidien, les peurs, les frustrations, les souhaits. A plusieurs, nous nous sentons fortes, encouragées, comprises. Nous savons que la lutte, notre lutte, continue et qu’un jour, le monde sera plus juste, plus tolérant, plus respirable. Vivent les femmes!