L’Europe joue un jeu cynique

Il faut le dire • Depuis une dizaine de jours, des milliers de demandeurs d’asile de tous pays sont coincés aux abords de la frontière grecque et du fleuve Evros.

Depuis une dizaine de jours, des milliers de demandeurs d’asile de tous pays sont coincés aux abords de la frontière grecque et du fleuve Evros. En difficulté économique interne comme externe sur le champ de bataille d’Ildib en Syrie, le président turc Erdogan se sert ainsi sans scrupule de la détresse humaine pour renforcer sa position dans les négociations avec l’OTAN ou l’UE.

Mais celle-ci n’est pas exempte de critiques. Depuis quelques années, tétanisé par la menace des courants populistes ou d’extrême-droite après la politique d’ouverture momentanée de 2015 et par la crainte «d’un appel d’air» ou par islamophobie, Bruxelles cherche un pourrissement de la situation dans le domaine de l’asile. Elle laisse seule la Grèce gérer ces flux, tolérant des campements indignes et surchargés sur les îles de la mer Egée comme dans le sinistre camp de Moria à Lesbos. Face à cette situation d’urgence, une coalition de pays «volontaires» de l’UE a finalement annoncé – petit geste pour se donner bonne conscience – qu’ils pourraient «généreusement» accueillir 1’500 mineurs non-accompagnés et en danger arrivés en Grèce.

Pourtant, les causes de ces migrations ont bien une réalité tangible. Les requérants fuient souvent des pays ravagés par des années de guerre et d’interventions armées des Etats-Unis ou de leurs alliés occidentaux, que ce soit en Afghanistan, en Irak ou en Syrie. Au nom de la realpolitik, les Européens persistent aussi à soutenir les pires gouvernements en place. Dans d’autres situations, ce sont les multinationales du Nord, en pillant les ressources vitales du Sud, des politiques d’échanges inégaux ou les pièges de la dette, qui conduisent à une précarisation sans perspective des populations locales.

Face à cette situation, les Etats européens se doivent respecter le droit d’asile et les conventions qu’ils ont ratifiées à ce propos et entrer en matière sur les demandes de protection. Il n’est pas normal que les requérants de Moria doivent attendre des années pour être fixés sur leur sort. A terme, les mêmes Etats doivent tout mettre en œuvre et sans visée hégémonique pour mettre fin aux causes – qu’elles soient d’ordre politiques ou économiques – qui poussent les gens fuir de chez eux. Dans un monde globalisé, le eux contre nous est une impasse