Le coronavirus au jour le jour

La chronique féministe • Retour sur une semaine au fil du semi-confinement.

Dimanche 15.3

Au TJ du soir. Résultats du 1er tour des élections municipales genevoises: avance verte, aux dépens des partis de droite. La gauche redevient majoritaire dans le municipal, et aura probablement 4 sièges sur 5 à l’administratif, 2 PS, 2 Vert.e.s. Sami Kanaan en tête. Cela me réjouit.

Les contrôles aux frontières avec la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche ont été rétablis.

Images de villes mortes: Paris, Rome, Milan, New York, Los Angeles.

Avantages de la situation: diminution du bruit, de la pollution, des effractions et des accidents.

Lundi 16.3

Les écoles sont donc fermées en Suisse. On entend des enfants qui jouent dehors. Ils font concurrence aux oiseaux, qui s’en donnent à cœur joie pour annoncer le printemps.

Des ami.e.s m’appellent. Solidarité via le téléphone.

Les mesures de confinement mettent en lumière les inégalités: habitation, salaire, organisation des loisirs, répartition des rôles… comme le chante Michel Bühler: «C’est toujours les p’tits qui trinquent», dont les femmes. Rien de nouveau sous le coronavirus.

Mardi 17.3

Les contrôles aux frontières ont provoqué de nombreux bouchons. Le personnel soignant venant de France s’est trouvé bloqué pendant des heures. Mauro Poggia va mettre au point un système de vignettes et de couloirs prioritaires. Il aurait pu y penser plus tôt!  Recensement des cas en Suisse: 2650, 5 décès en Suisse romande. La froideur des chiffres. Seuls les commerces d’importance vitale sont autorisés. Il faut respecter une distance de deux mètres entre les gens, les regroupements de plus de 5 personnes sont interdits (on en était à mille il y a peu!).

Les kiosques font donc partie des commerces vitaux, mais pas les librairies. Certes, les journaux, porteurs de nouvelles, sont primordiaux en cette période de pandémie, mais les livres nous aident à supporter le confinement, l’ennui, nous permettent de nous évader par le rêve… De petit.e.s libraires font face et livrent à domicile. Je signale que les maisons d’édition peuvent envoyer les commandes par la poste.

Les musées mettent sur Internet des visites virtuelles. Quelle bonne idée! D’autant que cela pourra soulager les parents qui cherchent à occuper leur progéniture.

Je termine pour «Signé Genève» mon article sur la fermeture de la Poste de Perly-Certoux, commune de 3000 habitant.e.s, une aberration. Triste époque où le bien public n’est plus une valeur. Il fait beau, le jardin s’est paré de couleurs, du vert tendre des feuilles printanières. Comme il n’y a plus de séance de yoga, je jardine. J’arrache les mauvaises herbes qui poussent le long de la bordure, des plantes parviennent à pousser à travers le gazon artificiel! Je dispose d’un siège à roulettes bien pratique.

Je pense aux personnes confinées dans leur appartement, notamment ceux, minuscules, d’immeubles parisiens.

Le soir, je me fais une salade de dents de lion, avec lardons, noix et œuf dur, un régal.

Mercredi 18.3

La situation à la frontière semble se stabiliser.

Après en avoir discuté avec elle, je vais me passer de ma femme de ménage pendant quelques semaines. Je descends à la chambre à lessive pour trois machines, juste avant une voisine.  A la poste, on ne peut être que 5 à l’intérieur, je lis Le Canard enchaîné en attendant mon tour. Depuis longtemps, les préposé.e.s sont à l’abri derrière une vitre.

Le livreur m’appelle: il y a une palette pour moi. Ce sont les 7 recueils de poèmes prévus pour le Printemps de la Poésie, qui a été annulé. Nous descendons au local. C’est toujours un moment d’émotion de découvrir un nouveau livre. Ma joie est multipliée par 7. Il faut les ranger sur les rayons, entasser les cartons, je n’aurai bientôt plus de place! J’annonce la bonne nouvelle aux poètes. Ma nappe blanche est enfermée dans la machine à laver, impossible de la remettre en marche ou d’ouvrir la porte, je laisse un message à la régie.

Les femmes enceintes ont peur que le virus atteigne leur bébé. Documentaire. La reine des abeilles pond 2000 œufs par jour.  Nathalie Fontanet a été testée positive.

Jeudi 19 mars

Mon magnolia montre ses premières fleurs!

Deux ouvriers viennent installer une vitre au bord de ma terrasse, et une toile à tirer à l’autre bout, contre le vent. Je peux manger dehors à midi, en regardant la télévision. Dommage que les invitations soient interdites! Ce sera pour plus tard, notamment en juin, avec l’équipe de Gauchebdo.

Si… Je file à la Migros, pas d’attente à l’extérieur, les client.e.s se comportent de manière responsable. Des réserves pour mon chat et moi, nous pourrons tenir dix jours. Mais il ne reste plus une seule bouteille d’eau de Javel! Du côté du papier Q, ça va.

Le son de mon nouveau téléviseur est haché, le problème vient de Swisscom, me dit le vendeur. Une femme me répond gentiment, depuis chez elle. Je dois enfoncer un cure-dents (sic!) dans le trou sous la boîte, ce qui relance le programme… Il faut encore appuyer sur une touche, et c’est bon!

Je lis sur la terrasse, mon chat vient me faire des câlins.

J’apprends par courriel que notre chef de chœur est positif! Pourvu que les 50 choristes n’aient rien attrapé!

Le coronavirus est absolument partout: C dans l’air, C à vous, le TJ en Suisse, en France, et voilà que Temps Présent a changé de programme et donne un documentaire sur Singapour, peu touché grâce aux mesures prises tout de suite.

On a engagé Vincent Kucholl pour porter le message «restez chez vous» mais le clown est contre-productif, on n’arrive pas à le prendre au sérieux, je l’écris à la RTS.

Vendredi 20.3

Je vais acheter des légumes aux Mattines, un magasin aux fruits et légumes de Perly, à cinq minutes à pied. Marquage au sol, nous devons attendre à l’extérieur qu’une personne sorte pour entrer. L’après-midi, en rentrant de ma balade, je constate que le jet d’eau (qu’on aperçoit depuis Perly) ne fonctionne plus. J’apprendrai que c’est pour ménager le personnel. Genève sans son fleuron, tout fout l’camp.

Je trouve insensé qu’on ne soit pas fichu de fabriquer chez nous des tests ou des masques, parce que les matières premières viennent de Chine, des USA ou d’ailleurs. On va peut-être comprendre que la mondialisation a de gros désavantages.  Entendu à la radio que les hommes confinés se rendent mieux compte du travail ménager qu’exécute leur femme, voire y contribue…

Vers 10h, ma voisine sonne, elle va en courses et me demande si j’ai besoin de quelque chose, oui, d’eau de Javel. Sympa.

La Suisse appelle les nombreux voyageurs helvétiques bloqués dans divers pays à rentrer. Il faut faire vite, car les frontières se ferment en cascade et les annulations de vol pleuvent. Mais Berne ne fait rien, contrairement à d’autres pays, comme la France, qui organisent le rapatriement de leurs ressortissants. Les ambassades sont diversement empathiques. Aux antipodes de la devise helvétique «Un pour tous, tous pour un»!

Le Conseil fédéral a passé de 10 à 42 milliards de francs l’aide à l’économie, y compris pour les indépendants, apprentis, artistes. Confinés: New York, Californie, Inde. Trump continue à ne pas prendre de mesures drastiques, à la question d’un journaliste: «vous êtes méchant»!

Samedi 21.3

Tribune du week-end. Dans 9 mois, il y aura davantage de naissances et de divorces. Les couples doivent se réorganiser, comme lorsque sonne l’âge de la retraite. En situation de confinement, il y a davantage de violences conjugales.

Si nous mangeons et buvons plus tout en bougeant moins, nous allons grossir. Je me pèse tous les matins.

Les écoles fermées, les parents apprécient les enseignant.e.s… Tous les soirs, à la fenêtre, on applaudit le personnel soignant.

La présidente de la Confédération a adressé une lettre ouverte, publiée dans tous les journaux du pays. Elle exhorte la population à respecter les règles de distance sociale, et en appelle à la responsabilité de chacun.e.

Trump, après avoir nié le problème, se démène, il veut donner 1000 dollars par personne, pour 333 millions, cela fait une sacrée somme!

Où sont les masques français? En 2009, un rapport sénatorial indiquait que l’Etat détenait 723 millions de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux, répartis sur différents sites… Je ne comprends toujours pas pourquoi les Etats ne sont pas capables de produire des masques et des tests, au 21e siècle, dans des pays industrialisés… Bien que fabriqués en Suisse, il n’y a pas suffisamment de respirateurs dans nos hôpitaux.

Dimanche 22.3

Sur la porte d’entrée de mon immeuble: 3 dessins d’enfants: «tout ira bien merci», c’est trop chou.

Mes ami.e.s, mes auteur.e.s m’envoient des messages, des poèmes, mon fils prend de mes nouvelles à distance. Je me sens entourée.

La quasi-totalité des pays du monde sont atteints par la pandémie.

France: situation tendue. Les plus de 75 ans ne sont plus intubés. Je fais donc partie des personnes qu’on met au rebut! Pour l’instant, je suis en bonne santé, je touche mes meubles en bois! Je regarde de vieux films à la télévision, où les gens se fréquentent, s’embrassent, se touchent, mangent ensemble… un autre monde!