Prévenir et combattre les conséquences sociales de la pandémie

La pandémie de Coronavirus, révélatrice des inégalités, risque d'entraîner de lourdes conséquences sociales. Gauchebdo relaie sur ce thème les points de vue de Maria Perez (PDT), Christina Kitsos (PS) et Alfonso Gomez (Les Verts), trois candidat.e.s à l'exécutif de la Ville de Genève engagé.e.s pour la justice sociale et en lice au second tour des élections municipales le 5 avril prochain.

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Pourquoi est-il légitime d’après-vous de maintenir le second tour des élections municipales dans le canton de Genève en dépit des mesures de crise édictées par le Conseil fédéral?

Maria Perez La démocratie ne doit pas s’arrêter sous prétexte de crise pandémique. Au contraire, il faut intégrer ce facteur-là à la réflexion politique de la population qui peut aujourd’hui mesurer par exemple les décisions prises par la majorité de droite et certains socialistes à l’aune de cette crise, comme les conséquences délétères des plans d’économie successifs imposés à l’hôpital ou l’entrée en matière sur des exonérations fiscales qui mettent à mal la justice sociale et climatique.

Christina Kitsos Davantage que la question de la légitimité, la Chancellerie et le Conseil d’Etat ont dû se demander s’il était possible de maintenir le second tour des élections municipales. L’élection concernant uniquement les Conseils administratifs, les risques sanitaires sont faibles puisque les bulletins de vote sont lus et comptabilisés par une machine. En outre, l’essentiel de la campagne a été réalisé les mois qui ont précédé le premier tour. La population genevoise a pu rencontrer les candidat.e.s lors d’événements, de stands, s’informer sur leurs différents programmes, recevoir les tous-ménages, participer à des débats, voir des vidéos les présentant, etc. Tous ces supports de campagne sont disponibles sur les sites Internet respectifs des socialistes et des Vert.e.s ainsi que sur les réseaux sociaux. La population genevoise sait donc pour qui elle souhaite voter et elle pourra le faire en postant simplement son enveloppe de vote. Cependant, il va de soi que la situation n’est pas équivalente à une campagne normale, mais il apparaît important de ne pas ajouter une crise institutionnelle à la crise sanitaire que nous traversons.

Alfonso Gomez Il n’y a que trois semaines entre les deux tours. Nous sommes donc dans la continuité du premier tour. Les électrices et les électeurs ont eu la possibilité de se forger une opinion pendant toute la campagne qui dure déjà depuis des mois. De plus, interrompre le processus électoral à ce stade ne ferait que déstabiliser le système et ajouter de l’incertitude à la situation complexe que nous vivons déjà. Enfin, grâce au vote par correspondance, on peut assurer un déroulement sécurisé, ce qui est évidemment fondamental.

Quels sont d’après-vous les impacts de la pandémie de Coronavirus sur les travailleurs et quels sont ceux qui sont le plus exposés?

MPz On voit que ce sont les emplois les plus précaires et les femmes en particulier qui sont en première ligne de cette crise : les vendeuses, les nettoyeurs, les métiers du soin à la personne… Je pense qu’un geste politique fort sera nécessaire après la crise comme la mise en place d’un salaire minimum pour toutes et tous. La Ville de Genève devra aussi cesser d’externaliser des tâches sous prétexte d’économies.

CKs Les impacts sont importants car elles et ils sont en première ligne. Nous devons donc nous assurer que ces travailleuses et travailleurs soient protégé.e.s contre tout risque de contamination. Nous avons ainsi vu un Conseil d’Etat genevois proactif par rapport au Conseil fédéral et qui a, par exemple, ordonné la fermeture de chantiers contre l’avis du gouvernement fédéral. Rappelons également que, grâce aux nombreux combats de la gauche pour éviter les coupes voulues par la droite, notamment pour les HUG, nous pouvons répondre aux besoins de la population genevoise en matière de soins. J’espère véritablement que cette crise permettra à celles et ceux qui n’ont eu de cesse de vouloir couper dans les prestations publiques de prendre conscience de l’importance des personnes qui travaillent dans les secteurs publics. Les salaires des travailleuses et travailleurs du secteur de la grande distribution, de la construction ou encore du service à la population devraient être revalorisés. La Ville doit se montrer exemplaire en arrêtant de sous-traiter certains métiers et en garantissant des salaires convenables. Je tiens vraiment à remercier toutes ces personnes qui s’engagent.

AGz Les impacts sur l’ensemble de la population sont très importants. Dans tous les métiers et tous les domaines de la vie économique et familiale. Ce qui apparaît fortement avec cette crise, c’est l’injuste répartition des salaires dans notre société. En effet, ce sont ceux et celles parmi les plus bas salaires qui assurent une grande part des tâches essentielles à notre survie. J’espère qu’au-delà des remerciements et des applaudissements, nous aurons le courage de corriger ces injustices. Par ailleurs, les fragilités du système par exemple concernant les indépendant.e.s, les intermittent.e.s du spectacle, le travail temporaire ou sur appel doivent être améliorés. Et puis je n’oublie pas les personnes qui travaillent au noir, sans papiers, les invisibles qui sont touchés de plein fouet et pour lesquels il faut également des mesures de solidarité.

Quels sont les services publics qui risquent d’après-vous d’être les plus fragilisés par la crise, doivent et devront être renforcés?

MPz Tout le monde est touché par cette pandémie, mais ceux qui étaient déjà fragiles avant la crise le sont davantage aujourd’hui. Les inégalités sont exacerbées et il faudra examiner toutes les situations. Les indemnités pour les indépendants plafonnées à 2600 francs par mois sont une démonstration de mépris du Conseil fédéral vis-à-vis de ceux qui font le tissu économique de notre pays. Je pense aussi aux femmes sans papiers de l’économie domestiques qui ont perdu leur gagne-pain du jour au lendemain et qui se retrouvent sans droits. Le Département social et de la solidarité va devoir être doté de ressources nécessaires pour aider tous les habitants en difficulté, sans discrimination. Les travailleurs de la culture qui sont particulièrement impactés par tous les évènements annulés à plus ou moins long terme doivent être impérativement soutenus.

CKs Les inégalités sont exacerbées dans un contexte de crise. Des mesures en complément des solidarités naturelles doivent être mises en place pour les personnes les plus vulnérables: les victimes de violences domestiques, les personnes migrantes, les chef.fes de famille monoparentale qui doivent cumuler les tâches plus que jamais, les personnes âgées isolées, les personnes en situation de handicap, les mal-logé.e.s, les familles n’ayant pas les moyens matériels et pédagogiques pour aider leurs enfants pour le suivi scolaire, les jeunes en recherche d’apprentissage, etc. En parallèle de ce travail social essentiel, des investissements massifs sont nécessaires dans les infrastructures, dans la formation et en faveur de la transition écologique. Enfin, il faut renforcer les mesures prises afin de soutenir les PME et les indépendant.e.s, quel que soit leur milieu de travail. Je pense par exemple aux petits artisans, aux acteurs.trices culturel.les ou encore aux employé.e.s de petites entreprises qui ont dû fermer leurs portes. Il faut mettre en place d’urgence un «plan Marshall» pour soutenir nos indépendant.e.s et nos petites et moyennes entreprises car elles et ils forment la très grande majorité de notre tissu économique. Les mesures prises par le Conseil fédéral et le Conseil d’Etat genevois vont dans le bon sens mais, malheureusement, les sommes articulées sont encore trop faibles. Je déplore d’ailleurs que certains acteurs du privé, comme ceux de l’immobilier, ne s’engagent pas à geler ou diminuer les loyers qui représentent une part non-négligeable des dépenses.

AGz On le voit dans certains pays européens voisins, la diminution des moyens alloués au service public est une catastrophe. En Suisse aussi, les diminutions de recettes fiscales pourraient nous conduire à fragiliser le système de santé, l’éducation, le social ou la culture. La crise du coronavirus nous enseigne l’importance d’un service public fort, capable même de soutenir l’économie privée. La Ville de Genève en tant que collectivité de proximité joue un rôle primordial, le personnel est au front, que ce soit les services sociaux, les employé.e.s des pompes funèbres, la police municipale ou encore le SIS. Ces services doivent être l’objet de toute notre attention et être renforcés pour répondre à l’urgence.

Quels enseignements plus généraux de cette crise la société dans son ensemble pourra-t-elle tirer (dans les domaines économique, social, environnemental, éthique ou au niveau des processus de décision dans nos démocraties)?

MPz Cette pandémie met à l’épreuve la résilience de notre démocratie. Les modèles économiques basés sur la rentabilité, l’exploitation des travailleurs et l’assèchement de nos ressources naturelles doivent être abandonnés. Nous devrons repenser ensemble une société qui favorise davantage les solidarités et le respect de la terre.

CKis Cette crise doit nous permettre de remettre en cause notre système économique ultra-capitaliste. Nous voyons très clairement quels secteurs sont primordiaux pour notre société et ceux qui ne visent qu’à tirer profit de la crise dans laquelle nous vivons! Une économie locale doit être renforcée et les circuits courts favorisés. Les mesures de confinement ou de quasi confinement pris par certains Etats ont des effets sur l’environnement avec une diminution drastique de la pollution atmosphérique par exemple. Nous voyons également que le secteur public est essentiel au bon fonctionnement d’une société. Il est plus que temps que celui-ci soit renforcé et étendu! Après chaque crise, il doit y avoir une prise de conscience et une remise en cause du fonctionnement. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour permettre un réel changement de société, pour une société où toutes et tous puissent vivre dignement.

AGz Cette crise est totalement liée à la mondialisation et au libéralisme sans foi ni loi. Un système qui conduit au réchauffement climatique et à la fin des ressources naturelles. Les conséquences sur les plans économiques et sociaux sont d’ores et déjà très graves, même si on n’en connaît pas encore l’ampleur. Cependant, cette crise arrive suffisamment en amont de la catastrophe climatique qui s’annonce pour que nous redressions la barre: régionalisation des économies, relocalisation de la production, favoriser les circuits courts et de proximité, réorientation de l’action publique vers le social et la santé, redistribution des richesses produites par des entreprises strictement responsables et sociales, diminution de la consommation et de toutes les formes de pollution mais des liens renforcés entre les générations et de la solidarité entre toutes et tous. Cela prendra du temps mais c’est un beau programme!