Les sans-papiers face à la pandémie

Vaud • Une lettre ouverte aux autorités fédérales, cantonales et municipales vise à mieux protéger les sans-papiers au temps du Covid-19.

Les sans-papiers sont parmi les plus touchés par les effets sociaux de la pandémie, ( Rasande Tyskar)

Les personnes concernées seraient 12’000 à travailler dans le canton de Vaud et estimées entre 8’000 et 10’000 à Genève. Ainsi des requérants déboutés, des ressortissants européens et de l’Association européenne de libre-échange, avec un permis de séjour périmé ou des travailleurs sans statut légal, issus d’Etats tiers (donc non bénéficiaires de l’Accord sur la libre circulation).

Ces personnes œuvrent essentiellement dans l’économie domestique, la construction et la restauration et éprouvent la pire précarité au temps de l’épidémie. «Pour eux, ne pas se rendre au travail implique bien souvent une perte de revenu, lequel ne peut être remplacé par aucun autre. De fait, de nombreux travailleuses et travailleurs sans statut ont déjà été licenciés et s’angoissent du lendemain, craignant de se retrouver à la rue avec leurs enfants», explique le Centre social protestant (CSP).

Alerte précarité

Pour alerter sur cette situation, l’organisation caritative vient de rédiger une lettre ouverte aux autorités. Elle est soutenue par le POP Vaud, le PS, le Sleep-in, Acor-SOS racisme ou le syndicat Unia. Rappelant que ces travailleurs de l’ombre travaillent «au gris», c’est-à-dire qu’ils paient leurs cotisations sociales et leurs impôts, les organisations signataires défendent plusieurs exigences tant en matière de garantie de salaire que d’accès aux soins.

Elles réclament ainsi que l’accès au chômage partiel (RHT) et aux Allocations pour perte de gain (APG) leur soit assuré et que les employeurs de travailleurs et travailleuses domestiques respectent leurs obligations et les normes salariales, tout en les autorisant à rester chez eux.

Pour l’urgence quotidienne, les signataires veulent que les capacités des associations qui proposent de l’aide alimentaire pour les plus démunis soient renforcées et soutenues, voire que de nouvelles structures soient créées notamment dans les cantines scolaires actuellement sous-exploitées. Les signataires souhaitent aussi un accès complet aux soins garanti pour toute personne résidant en Suisse, qu’elle soit ou non au bénéfice d’une autorisation de séjour. «Cela signifie que les coûts pour les personnes sans-papiers qui doivent consulter pour suspicion de Covid-19 doivent être entièrement couverts, indépendamment d’une couverture d’assurance maladie», relève la missive cosignée par 33 organisations.

Les associations de soutien demandent aussi que le Ministère Public ne prononce plus de sanctions pour séjour illégal et que les autorités de migration renoncent aux expulsions et n’ordonnent aucune mesure de contrainte comme la détention administrative. Dans le canton de Genève, cette catégorie de personnes n’est plus incarcérée depuis mi-mars. Mi avril, le canton de Berne a libéré 14 détenus, qui ne pouvaient pas être rapatriés dans leur pays d’origine. Contactés sur ce point, le Service de la population, ainsi qu’à l’Ordre judiciaire vaudois n’ont pas répondu.

Pour finir, les signataires demandent que les droits des personnes sans- papiers à déposer une demande de régularisation soient garantis malgré la crise. «Pour les futures demandes de régularisation, nous voulons que la période de cessation d’activité causée par le Covid-19 ne soit pas utilisée comme motif de refus. Nous demandons aussi que soit garanti le renouvellement du permis de séjour y com- pris en cas de recours à l’aide sociale pour les personnes régularisées», exemplifie le CSP-Vaud.

Economie domestique en péril

A Genève, le syndicat SIT a alerté dès le 2 avril le Conseil d’Etat sur les conditions de vie actuelles des travailleuses de l’économie domestique. Elles accomplissent des «tâches essentielles au fonctionnement de la société» selon le SIT, dont garde d’enfant, assistance aux personnes âgées, handicapées ou malades. «Depuis le 16 mars dernier, des dizaines d’appels parviennent chaque jour au syndicat, d’employées domestiques licenciées ou perdant des heures de travail du jour au lendemain en raison de la pandémie, soit parce que leurs employeurs craignent la contamination, soit parce que ces personnes confinées en télétravail ou en RHT, renoncent aux services principalement de ménage et/ou de garde d’enfants», expliquait le syndicat.

Il souligne une nouvelle fois que l’accès de cette catégorie de la population au chômage partiel, au chômage ou à l’APG est très difficile. Il réclame ainsi une allocation temporaire cantonale de pandémie forfaitaire de 3’320 francs par mois garantissant un revenu d’existence minimal, subsidiaire au dispositif d’assurances sociales fédéral pour ces employé.e.s.

«Face à l’urgence de la situation et à la difficulté de déterminer rapidement les montants effectifs pour bénéficier d’une aide financière, il faudrait débloquer de l’argent cash, mais pour l’heure, nous n’avons reçu qu’une vague réponse verbale du Conseil d’Etat qui semble vouloir mettre en place un groupe de travail», précise Mirella Falco, secrétaire syndicale en charge de l’économie domestique.