Inventer récits et actes solidaires

Opinion • Municipale Fourmi rouge-POP de Renens, Karine Clerc observe que le champ est ouvert pour raconter une histoire différente, dans un monde chamboulé. (Paru dans la rubrique «Réflexions Invités», 24heures)

Face à la crise, nos habitudes se sont trouvées bouleversées, pour protéger les plus vulnérables et préserver le système de santé. D’un jour à l’autre, il a fallu faire autrement. En modifiant nos habitudes, le Covid nous a montré qu’on pouvait changer. Que des mots comme proximité, économie locale, solidarité, étaient moins de vagues concepts bons à tartiner les pancartes, mais pouvaient avoir un sens dans la vie de tous les jours, pour tout le monde.

Penser autrement

Changer, c’est déjà penser différemment qui nous sommes. Trop souvent, les gens pensent par catégories: il y a les habitant.e.s, les citoyen.ne.s, les «politiques», ceux de tel groupe d’âge, ceux d’ici et ceux d’ailleurs. Ainsi se répartissent les rôles, les places, les responsabilités et, aussi, les légitimités. Subrepticement. Aucun groupe n’est toutefois homogène. Chaque être humain est à la fois un sujet politique, un.e voisin.e, un.e citoyen.ne, un être potentiellement vulnérable.

«Qui l’on est» dépend de l’écho que ces facettes de soi trouvent autour d’elle. L’action qui en découle est aussi le fruit de cet écho. Trier mon gobelet de yaourt (en trois matières) peut me motiver si je songe au taux de pollution de mon environnement, ou démotivant si je songe à ce que déversent les multinationales dans l’océan. Nos actions se voient renforcées par une sorte de caisse de résonance, formée par les institutions et les médias, par nos proches et notre culture, par les actions collectives, qui donnent de la voix à certains actes, plutôt que d’autres, qui pourtant auraient aussi du sens.

Faire sens en résonance

Consommer local ou pas, aller voter ou se mettre ensemble pour défendre son quartier, sa vie d’immeuble face à un gérant imperturbable, plutôt que d’accepter congés ou hausses de loyer, trier ses déchets, prendre la parole ou se taire avec amertume, voyager près de chez soi ou dans des contrées lointaines, par exemple, sont des choix qui oscillent entre le «à quoi bon» des gens résignés et le «il n’y a qu’à» des gens plus décidés, peut-être mieux lotis.

Nos actes trahissent nos dilemmes, nos doutes, nos succès, dans le brouhaha de ce monde intérieur. Nous sommes ainsi le fruit de cette dispute et de ses échos. En ces temps de crise, tout s’est arrêté, et chacun.e se retrouve sans caisse de résonance. Le champ est ainsi libre pour raconter une histoire un peu différente, dans un monde qui change, et où, nous aussi, nous changerions un peu. Ce récit n’appartient pas à quelques notables ayant pris les décisions importantes durant la crise. Il pourrait être le fruit de ces échanges nourris, intérieurs, nés de la stupéfaction de ce jour où le temps s’est arrêté. Ce jour où nous avons dû créer des échos de fortune pour continuer de donner un sens à notre vie. Echos de solidarité et d’un ralentissement nécessaire, qui pourraient encore donner de la voix.