L’œuvre variée de René Burri

Expo • Le Musée de l’Elysée expose une partie du Fonds René Burri, connu pour avoir été le «photographe du Che».

Mexique. Etat du Chiapas. (Rene Burri_Magnum Photos_Fondation Rene Burri_Musee Elysee)

René Burri (1933-2014) est surtout connu pour sa célébrissime photo de Che Guevara, le cigare à la bouche, réalisée en 1963, qui est devenue une icône mondiale. Certes, une paroi de l’exposition est consacrée à cet entretien entre le leader cubain et une journaliste du magazine Look, au cours de laquelle Burri réalisa près de deux cent cinquante images. Mais l’œuvre de ce photographe zurichois, l’un des plus importants du 20e siècle, ne se réduit pas à cela! Elle est immense et extrêmement variée.

Rigueur des compositions

On découvrira d’abord ses travaux de jeunesse, alors qu’il fréquentait la Kunstgewerbschule Zürich de 1949 à 1953. Il y suivit notamment les cours du photographe Hans Finsler, qui était dans le sillage de la Nouvelle Objectivité. Grâce à l’enseignement de celui-ci, il acquit une maîtrise technique par- faite, le goût de la clarté et des compositions rigoureuses. D’un autre professeur, Johannes Itten, qui avait enseigné au Bauhaus, il apprit les techniques fondamentales du dessin et de la peinture. Une salle, qui propose de belles aquarelles et gouaches, est d’ailleurs consacrée à cet aspect méconnu de son activité artistique. Mais surtout, le Musée de l’Elysée nous invite à une balade à travers cette œuvre énorme et multiforme, de manière très libre, car l’accrochage ne comporte pas de commentaires des nombreuses photos exposées.

Et l’on suivra ainsi le parcours de toute une vie de globe-trotteur, qui nous amènera aux quatre coins du monde. Son œuvre comporte des sujets poli- tiques: Fidel Castro à la tribune, reportage pendant la guerre du Viêtnam, portrait d’Anouar el-Sadate en couverture d’une revue. Car René Burri, membre de la prestigieuse agence Magnum depuis 1959, a travaillé pour les revues les plus connues, telles Die Woche ou Du.

Il s’est intéressé aussi aux aspects de la vie quotidienne, accordant une grande importance à la rue et à la circulation urbaine. Il a abordé aussi le monde de la technologie, qu’il s’agisse des fusées spatiales, de l’extraction du pétrole ou à la construction moderne. Il a réalisé de nombreux portraits, par exemple de Picasso, de Simenon, du danseur Rudolf Noureev. Il a multiplié les autoportraits, mais sans complai-sance narcissique, au contraire en recourant à une certaine autodérision. Il a fait de grands reportages, notamment aux Etats-Unis, au Brésil, en Egypte, dans les Emirats arabes, et surtout en Chine où il s’est rendu plusieurs fois.

Inventivité

Sans jamais tomber dans l’esthétisme gratuit, son œuvre photographique témoigne d’éminentes qualités. Les cadrages sont toujours remarquables et originaux. Il aimait notamment les prises de vue en plongée et en contre- plongée, ainsi que les perspectives cavalières ou aériennes. Il jouait sur les ombres et les lumières, comme dans cette photo qui montre le corps nu d’une femme enceinte, sur lequel se projettent les rais de la lumière qui a traversé les interstices du store. Si son œuvre est surtout en noir-blanc, il a aussi parfaitement maîtrisé la couleur.

Relevons l’existence de ses photomontages, dans lesquels il a incorporé par- fois des éléments extérieurs comme des menus, des étiquettes, des tickets de transport, etc. Enfin René Burri s’est toujours intéressé au cinéma. L’exposition présente quelques extraits de ses nombreux films documentaires. Tout cela témoigne à la fois d’une prodigieuse inventivité, d’une capacité à saisir et à photographier le monde, d’une grande variété dans ses sujets et d’une capacité de renouvellement constant. Avec Werner Bischof, René Burri se classe au premier rang des photographes suisses.

«René Burri. L’explosion du regard», Lausanne, Musée de l’Elysée, à partir du 12 mai. Entrée gratuite.