Seniors face à la crise

Covid-19 • Engagée contre les injustices au sein du PdT, de l’AVIVO, du Conseil municipal de Meyrin ou de la Fondation des aînés.e.s de Genève, Léonor Zwick-Merchan défend les seniors.

La séparation entre grands-parents et famille est un «manque très douloureux, qui nous empêche de vivre». (Stewart Black)

J’ai envie de pleurer, mais les larmes ne viennent pas. C’est une vieille histoire chez moi. Mais l’angoisse m’envahit. La poitrine m’opprime et m’envoie de l’air par saccades jusqu’à la bouche, je dégage un grand soupir qui me soulage. (…) En temps normal, je suis entourée d’une famille, qui se compose de deux filles (et leur conjoint), cinq petits-enfants (et leur conjoint) et six arrières petits-enfants. Nous entretenons tous des liens très forts et réguliers entre nous.

Et soudain arrive cette pandémie universelle, complètement imprévue par tous les gouvernements. Ils ont préféré pendant les années de prospérité de certains, baisser les budgets sanitaires et sociaux. Et ne pas écouter la grande probabilité de la survenance de cette catastrophe, formulée par de nombreux milieux scientifiques. (…)

Etat d’urgence vitale

Il est flagrant que nous avons fait preuve d’imprévision dans les commandes du matériel nécessaire pour les hôpitaux, comme les respirateurs, les tests et les habits, mais également en ce qui concerne les ressources nécessaires en personnel. Des imprévisions qui toutes découlent des diminutions des budgets destinés à la santé publique. (…)

Le déconfinement arrive et les témoignages de détresse économique montrent une inégalité sociale criante, laquelle, bien que dénoncée moult fois, est tombée dans les oreilles d’un sourd. Les salaires sont trop bas et les personnes au chômage partiel, avec seulement 80% de leur revenu, n’arrivent pas à vivre. Ne parlons pas de ceux qui accomplissent des travaux non assurés et qui n’ont droit à rien. La solidarité sociale est intervenue pour soulager certains foyers mais cela, ce ne sont pas des droits, ce sont des aumônes.

Les applaudissements au personnel hospitalier dans la nuit ne m’ont pas enthousiasmée. Pourquoi pendant la nuit? Il aurait fallu, à la lumière du jour, manifester clairement pour des augmentations de salaire, importantes et réelles afin d’encourager d’autres personnes à devenir infirmier.ères, aides soignants.es ou nettoyeurs.ses.

Je reviens à ma phrase initiale, «J’ai envie de pleurer». Cette fois, en entendant que des individus ont attaqué verbalement des personnes âgées qui faisaient la queue devant un magasin d’alimentation, les accusant d’être la cause du confinement obligatoire et ainsi de la détresse économique des jeunes. Entre-temps, d’autres voix se sont levées, plus ou moins fortes, pour s’interroger sur la nécessité de tout sacrifier pour sauver «les vieux». Une fois de plus on se trompe de cible, il nous a manqué un débat qui aurait fait ressortir quelles vérités se cachent derrière ces arguments.

Les seniors, cobayes?

C’est vrai que le confinement rigoureux et obligatoire sauvera nos vies, c’est évident, mais nous ne sommes pas dupes. D’une part, n’étant pas des personnes productives, nous ne sommes pas nécessaires à l’industrie et à la sacro-sainte économie. D’autre part, nous n’encombrerions pas les hôpitaux qui manquent de lits, de respirateurs, de masques et de personnel, et ainsi le personnel sanitaire ne devrait pas faire le choix pénible entre sauver la vie d’un vieux ou d’un jeune.

Lors d’une récente conférence de presse, à la question d’un journaliste qui demandait à M. Berset quand les personnes à risque (on nous appelle ainsi maintenant) seraient déconfinées, ce dernier avait répondu «quand on aura trouvé un vaccin». Là, nous ne sommes pas dupes non plus, Nous tient- on à l’écart pour servir de cobayes? Et pour combien de temps? (…) Ma famille me manque, ras le bol de ces télé-conférences car les petits ne comprennent pas bien notre absence réelle. C’est un manque très douloureux qui nous empêche de vivre, qui nous rend malades.