La confiance envers les autorités prend un coup

Neuchâtel • Le tribunal fédéral ferme la porte à toute possibilité de récusation d’un membre d’un exécutif.

En ces temps de crise sanitaire, la nouvelle est passée inaperçue, malgré un bref communiqué de l’ATS repris par ArcInfo (7 mai 2020): le Tribunal fédéral (TF) estime que les activités des membres d’exécutifs à la tête de lobbies avant leur élection sont sans conséquence sur leur activité dans un gouvernement. Ils ou elles ne doivent ainsi pas se récuser lors de décisions entrant en collision avec leur activité antérieure.

Le TF a arrêté cette décision dans le cadre du projet de centrale éolienne de la Montagne de Buttes: un recours déposé par des habitants du Val-de-Travers estimait que l’actuel chef du Département de la gestion du territoire, Laurent Favre, devait se récuser dans toute décision de sa part en lien avec un parc éolien en raison de son activité de Président de Suisse Eole entre 2008 et 2010.

Financé par l’Office fédéral de l’énergie, Suisse Eole est le lobby des promoteurs éoliens, dont il défend les intérêts. Laurent Favre était intervenu directement dans le débat autour de l’initiative pour l’Avenir des Crêtes dans le Canton de Neuchâtel. Lors d’une conférence de presse tenue en 2010 à La Chaux-de-Fonds, il dénonçait «la publication de photomontages trompeurs et d’affirmations mensongères sur l’énergie éolienne». Il accusait les opposants aux projets éoliens d’«exagérer grossièrement certains impacts» et mettait en doute la motivation des auteurs de l’initiative (ArcInfo, 4 novembre 2010).

En tant que conseiller d’Etat, Laurent Favre n’a exprimé aucun parti pris envers les opposants à l’énergie éolienne, estime cependant le TF, quelles que soient les convictions exprimées précédemment. Circulez, il n’y a rien à voir.

Il est tout de même piquant de constater qu’en tant que président de Suisse Eole, Laurent Favre a gagné la votation en mettant tout son poids dans la balance en faveur des centrales éoliennes, mais qu’en tant que chef du DDTE il n’est plus qu’un simple exécutant neutre, à en croire le TF.

La dimension éolienne de cet arrêt importe peu en définitive. Plus important est le constat que le Tribunal fédéral ferme ainsi la porte à toute possibilité de récusation d’un membre d’un exécutif en rapport avec ses activités avant son élection, ce qui paraît hautement discutable. Ainsi, un ancien président de Santésuisse peut s’occuper de politique de santé sans devoir se récuser et un ancien dirigeant de Pro Tell peut faire de même en matière d’armes à feu. C’est clairement une mauvaise nouvelle pour les citoyennes et citoyens de ce pays et pour la confiance envers les autorités