«La vérité vaincra» selon Lula

Livre • L’ancien président (2003-2011) du pays le plus peuplé d’Amérique latine dit sa vérité sur son engagement pour le peuple, les persécutions dont il fait l’objet et l’avenir de son pays.

Dans son dernier ouvrage, Lula livre tout ce qu’il a à dire sur son parcours militant comme syndicaliste puis président du Parti des travailleurs (PT). (Renato Gizzi)

Si vous entendez parler aujourd’hui du Brésil, il y a de grandes chances que ce soit par rapport aux méfaits de l’extrémiste de droite qui en occupe la présidence. Vous devriez être aussi au courant de celui qui aurait certainement occupé aujourd’hui sa place, épargnant ainsi au peuple brésilien nombre de cala- mités, s’il n’avait été injustement emprisonné suite à un procès inique basé sur des accusations calomnieuses, avant d’être libéré, sans que cessent les persécutions contre lui: l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula.

Confidences et leçons de vie

Les éditions Le Temps des Cerises ont récemment publié la traduction d’une longue interview de Lula réalisée en 2018 par l’éditeur progressiste brésilien Boitempo. C’était peu avant l’emprisonnent de l’ex-président. L’entrevue est agrémentée d’un nouvel entretien réalisé en 2019, à l’aube de sa libération et de trois discours prononcés entre et juste après ces dates. La conversation est à bâtons rompus, décousue parfois. Bien que les notes de bas de page soient nombreuses, elles ne suffisent pas toujours à rendre transparentes des allusions à l’actualité politique brésilienne à un lecteur suisse. C’est sans doute dommage. Mais le problème se révèle mineur, et l’on perd peu en termes d’informativité et d’intérêt.

Né en 1945, Lula y livre tout ce qu’il a à dire sur son parcours militant en tant que syndicaliste puis à la tête du Parti des travailleurs (PT). Mais aussi le coup d’État parlementaire qui a mené à la destitution de Dilma Rousseff (qui lui a succédé à la présidence de 2011 à 2016), ses réalisations comme chef d’État, les calomnies et persécutions judiciaires dont il fait l’objet. Sans oublier la situation actuelle du Brésil, ce qui peut être son avenir, et beaucoup d’autres choses encore.

Il y définit sa vision politique de la façon suivante: «Ce à quoi je ne me suis pas préparé, c’est la résistance armée, je n’ai plus l’âge. Comme je suis un démocrate, je n’ai même pas appris à tirer. Alors, c’est exclu. Le PT
n’est pas né pour être un parti révolutionnaire, il est né pour être un parti démocratique et porter la démocratie jusqu’à ses dernières conséquences… Le PT n’a pas été créé pour ça, il a été créé pour réaliser, au sein du régime démocratique, les transformations dont le Brésil a besoin, et nous avons prouvé qu’il était possible de le faire».

Limites du réformisme

L’ancien leader exprime ici l’essence du réformisme dans tout ce qu’il peut contenir d’honnêteté, de grandeur, de dévouement sincère pour le peuple, mais aussi d’irréductibles limites. Il a ainsi fait le choix d’une action dans le cadre des règles du jeu de la démocratie bourgeoise et du capitalisme. Ceci sans jamais briser ce cadre du dialogue avec la bourgeoisie et l’impérialisme. Cette option permit au PT, sous sa présidence, de sortir des millions de Brésiliens de la pauvreté, d’extraire le Brésil d’un retard séculaire et de sa place subordonnée dans la chaîne de l’impérialisme, favorisant des progrès sociaux remarquables.

Mais cette politique finit par atteindre ses limites sous la présidence de l’économiste Dilma Rousseff. La bourgeoisie brésilienne, égoïstement, fanatiquement attachée à son intérêt étroit de classe a ainsi traité le PT avec une haine telle qu’elle aurait difficilement pu lui en réserver plus si cette formation avait été un authentique parti révolutionnaire. Cela sans tenir aucun compte de principes démocratiques élémentaires: coup d’État parlementaire, campagne calomnieuse dans la presse, procès truqués, et finalement, recours au fascisme.

Au final, l’histoire récente du Brésil est plutôt de nature à nous renforcer dans la conviction qu’entre capitalisme et socialisme, il n’y a pas de troisième voie, et que la révolution socialiste, quelle que soit la forme prise selon les circonstances, demeure une nécessité si l’on veut rendre le progrès social pérenne. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui que le Brésil est plongé dans les ténèbres du fascisme, que la gestion déplorable de la pandémie du Covid-19 par le gouvernement Bolsonaro tourne à la gabegie meurtrière, que les travailleurs et les peuples autochtones luttent pour leur avenir, la vérité du premier président ouvrier de ce pays doit être entendue.

Lula, La vérité vaincra (le peuple sait pourquoi on me condamne), préface de Dilma Roussef, traduit du portugais pas Pedro Afonso, Antoine Chareyre et Elodie Dupau, Le Temps des Cerises, Paris, 2020