Il était une fois. Il était mille fois. Grâce à un théâtre d’objets sonores, une redistribution inventive des voix et du récit, on peut refigurer un conte de Grimm sur un mode décalé et disruptif. Les contes sont souvent traversés d’archétypes sexistes. Style: éloge final du mariage obligatoire, de l’asservissement conjugal et domestique volontaire pour la femme. Sans oublier la tyrannie de la fécondité féminine devenue matrice reproductrice pour une société patriarcale profondément inégalitaire.
Règlement de contes
Ni une ni deux, pourquoi ne pas interroger, bousculer et subvertir les représentations et les stéréotypes de genres? Pour les enfants dès 6 ans et toute la famille, c’est l’invitation espiègle et pertinente de Muriel Imbach pour A l’envers à l’endroit. Performé par deux interprètes, un comédien et une technicienne-bruitiste, l’opus est une belle occasion de réfléchir avec ludisme et légèreté aux imaginaires et codes tant sociaux que comportementaux qui nous régissent. Munis d’un casque audio, on savoure des protagonistes fantasques, des bruitages réalisés sur le vif et des paysages sonores contrastés.
Dans Pourquoi regarder les animaux?, John Berger sou- ligne: «L’ordre visible auquel nous sommes habitués n’est pas le seul possible: il coexiste avec d’autres ordres… Les enfants le sentent intuitivement, parce qu’ils ont l’habitude de se cacher derrière les choses, où ils découvrent les interstices entre divers ensembles du visible.» Un constat qui garde son acuité pour cette performance.
Chasse à l’environnement
Trophée cosigné par Rudi van der Merwe et Béatrice Graf est une performance qui en étonnera plus d’un. Les thèmes abordés mêlent la chasse, la conquête et la tradition militaire. Trois figures vêtues de tenues baroques sont à la manœuvre sur un terrain de jeux herbeux guerrier, prédateur et conquérant. En jupes relevées, on les jurerait échappées du tableau d’un grand maître de la Renaissance. Par leur récital de postures, elles nous narguent de leur morgue, nous piquant au vif. Mais l’on perçoit aussi l’incommensurable gloire d’être un trophée chez ces êtres hybrides faisant virevolter leurs jupes dans un ballet échevelé.
Rapport aux bêtes
Soudain apparaît un conifère suivi d’un géant masqué, prélude à un massacre métamorphosant le site champêtre en cimetière militaire. Les revenants enchaînent les poses de bêtes traqués et de spectres de conflits. La création est une habile manière d’interroger notre rapport aux animaux que l’on ne voit plus comme des êtres dotés de droits et de dignité au cœur d’une société marquée par la réification de toutes formes vivantes devenues produits à consommer, dompter, domestiquer.
Il est aussi question de toute l’impérieuse nécessité d’acquérir, déporter, exploiter qui a amené aujourd’hui à la pire pandémie de l’histoire récente. Le Prix Nobel de littérature J. M. Coetzee et compatriote sud-africain du chorégraphe et performeur Rudi van der Merwe évoque ainsi la grande tuerie animale par les humains: «C’est un carnage dont l’échelle, l’horreur et la portée morale ne diffèrent en rien de l’Holocauste; et pourtant nous préférons ne pas le voir.» (L’Abattoir de verre).
Du 7 au 12 juillet, Aux confins de la Cité, Lausanne. Programme et inscriptions: www.festivalcite.ch
