Une garantie de déficit pour l’Institution genevoise de maintien à domicile

Les enjeux financiers et socio-sanitaires liés à l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) sont importants, à plus forte raison avec la pandémie de coronavirus. Interview de Jean-Charles Rielle, médecin, retraité et député qui appelle à voter oui dimanche prochain à la garantie de déficit pour IMAD.

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Le 27 septembre prochain, la population genevoise votera sur une modification de la Constitution afin de garantir une couverture de déficit à l’Institution genevoise de maintien à domicile.

Contrairement aux organisations de soin à domicile (OSAD) privées, IMAD est soumise à l’obligation d’admettre, ce qui implique une souplesse organisationnelle permanente. L’Etat impose une prise en charge obligatoire 24h /24 et 7j/7. IMAD a la responsabilité de cas lourds dont les privés ne s’occupent souvent pas, en raison de la charge de coordination qu’ils représentent. L’organisation n’a quasiment pas de marge de manœuvre afin d’assumer cela car les remboursements des assureurs-maladie sont déterminés au niveau fédéral. Or, ces derniers ont baissé de 3,6% depuis le 1 er janvier 2020. IMAD n’a pas non plus d’influence sur le niveau des salaires, étant soumis à loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (B 505 LPAC).

Augmentation des besoins, évolution des profils de prise en charge, incertitudes quant aux financements, augmentation du nombre d’acteurs privés : ces changements peuvent mener dans plusieurs directions qui sont difficiles à anticiper au moment de l’élaboration du contrat de prestation et des budgets annuels. Les épisodes récents de canicule ont engendré des démarches importantes pour IMAD. La crise du coronavirus provoque un défi d’une ampleur plus importante peut-être encore. Elle met en évidence le rôle incontournable de cette institution.

Interview de Jean-Charles Rielle, médecin, retraité et député.

Ces dernières années, le dialogue entre la direction et les employé.e.s IMAD s’est crispé, en particulier à cause de la souffrance des infirmières qui se plaignent de leurs conditions de travail. Les moyens accordés à IMAD sont-ils suffisants d’après vous?

C’est précisément pour améliorer les conditions de travail du personnel IMAD qu’il est crucial que l’institution obtienne une garantie de déficit de l’Etat. Il faut aussi se rappeler que la confédération ne rembourse pas les déplacements des employé.e.s IMAD. La volonté de réduire les effectifs de la fonction publique, et le discours d’austérité relayé à la droite de l’échiquier politique, peuvent menacer cet important financement. Il faut donner « un peu de mou au système » pour garantir que les revendications en termes de qualité de soins soient respectées. C’est pourquoi j’appelle la population à se mobiliser en faveur du oui sur cet objet.

Qu’est-ce qui fait selon vous la spécificité d’IMAD en termes de mission et de vocation ?

Le champ d’action d’IMAD recouvre les deux aspects de la santé et du social qui sont très intriqués. Si toutes les structures de soin et de santé ont souffert de la pandémie, IMAD a été et est encore, avec les urgences, en première ligne. La situation et les incertitudes liées à la COVID-19 inquiètent toute la population. Mais les personnes âgées sont particulièrement fragilisées.

A quels défis IMAD a-t-elle été confronté pendant la crise du coronavirus ?

C’est tout notre tissu social qui a été fragilisé. Dans un canton-ville comme le nôtre, beaucoup de parents ne vivent pas à proximité et ne peuvent pas bénéficier de l’aide de leurs enfants. Pendant le semi-confinement, les personnes âgées ont été livrées à elles-mêmes. Les parents qui voulaient voir leurs enfants ou leurs petits-enfants ne le pouvaient souvent pas. Les petits-enfants sont restés sur la marche de l’escalier à cause de la peur de la contamination. Pendant cette période où les personnes âgées étaient cantonnées chez elles, la mission complémentaire aux soins de IMAD, par exemple la livraison à domicile de repas équilibrés, a été très importante.

Quel a été l’impact psycho-social de cette crise sur les bénéficiaires d’IMAD ?

Certaines personnes ont vécu un isolement social inimaginable. Il faut savoir qu’IMAD est aux premières loges dans un canton très citadin comme Genève (avec la Ville de Genève et ses autres communes urbaines d’Onex, Bernex, Meyrin, Lancy, Vernier, Carouge, etc). Du jour au lendemain, se sont ajoutées aux missions habituelles de IMAD les contraintes spécifiques et complexes liées à la COVID-19 (adopter des comportements exemplaires pour ne pas se contaminer et pour ne pas contaminer les autres, etc). Les personnes âgées n’osant pas sortir, elles ont vécu pour leur part un vrai confinement. Cela a été particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées seules, déjà confrontées d’ordinaire à tous les problèmes de la vie habituelle. La volonté de protéger la population âgée a abouti à une situation de surprotection. J’y adhère en tant que médecin – et il faut rendre un vibrant hommage à la mobilisation du corps hospitalier, sans oublier l’ensemble des autres professions  mobilisées durant cette pandémie – mais cela a été vécu par de nombreuses personnes comme une mise à l’écart.