Des employé.e.s sous pression se mobilisent

Genève • Le Canton et la Ville annoncent des budgets déficitaires pour 2021. Avec des mesures d’économies visant les employée.e.s du secteur public. La riposte syndicale s’organise.

Les syndicats de la fonction publique montent au créneau pour dénoncer le programme de coupes budgétaires menaçant tout le service public. (SSP)

Passer de héros à zéro? Non», prévient le Cartel intersyndical genevois. Objet du grief? Le projet de budget 2021 récemment présenté par le Conseil d’État. Celui- ci affiche un déficit de 501 millions (sur un total de charges de fonctionnement d’environ 8,8 milliards, aux- quels il faudra ajouter environ un milliard de pertes pour l’exercice budgétaire 2020). Il fera mal à la fonction publique et au secteur subventionné, et dans une moindre mesure aux communes, qui verront leurs charges augmenter de 44 mil- lions en 2021.

Tout en envisageant une baisse linéaire de 1% de tous les salaires de l’État, le projet prévoit une hausse de la part salariale des cotisations à la CPEG et aux caisses de prévoyance de la police et des TPG, un gel des annuités en 2021 et 2023 et une sus- pension de l’indexation des salaires pendant au minimum 4 années. «En 4 ans et pour autant que l’inflation reste faible, le personnel de la fonction publique pourrait perdre entre 6% et 10% de son revenu soit jusqu’à l’équivalent d’un salaire complet. Totalement inacceptable! Le Conseil d’État veut faire payer à la fonction publique la crise ainsi que les cadeaux fiscaux octroyés aux entreprises et aux plus riches», tranche le Cartel.
Celui-ci demande au Conseil d’Etat le retrait de ses projets de loi sur la baisse de 1% et la suspension de l’annuité pour 2021. Pour se faire entendre, un premier rassemblement sera organisé le jeudi 15 octobre dès 15h30, avec un débrayage l’après- midi et une manifestation, puis le 29 octobre avec préannonce d’une jour- née de grève en cas de nécessité.

Des légères augmentations de l’enveloppe sont prévues pour la cohésion sociale (+100 millions ), la santé (+10 mil- lions), la formation (+27 millions, avec la création de 164 correspondant à la hausse du nombre d’élèves) et la mobilité (+3 millions). «Ces postes supplémentaires prévus au budget 2021 sont absolument nécessaires. Ils ne sont toutefois pas suffisants pour faire face au retard accumulé ces dernières années et à l’augmentation des besoins en cette période de crise», critiquent l’Alternative et les syndicats, dont la CGAS. «Loin de prendre la mesure de la crise actuelle et de ses conséquences économiques et sociales, le Conseil d’État s’entête dans sa volonté de baisser les charges sans envisager la moindre nouvelle recette et n’apporte pas les réponses attendues à la précarisation galopante de la population», dénoncent-ils encore.

Un déficit de 49,3 millions en Ville de Genève

Pour sa part, le Ville de Genève vient aussi d’annoncer cette semaine les contours de son futur budget, qui pré- voit un déficit de 49,3 millions (pour 1,2 milliard de dépenses), dans les limites imposées par le canton. La réforme de la fiscalité des entreprises (RFFA) est passée par là. La perte sur les impôts des personnes morales est de 27,3 millions. Et elle n’est pas compensée par les impôts sur les personnes physiques qui augmentent pourtant de 17,4 millions. La Ville prévoit malgré tout d’augmenter l’enveloppe des investissements de 130 à 180 millions de francs afin de favoriser la transition écologique, notamment avec la rénovation énergétique de ses bâtiments.

«Ce budget n’est franchement pas enthousiasmant, en tout cas il tient la limite normale de déficit autorisé comme une frontière sacrée, alors qu’il pourrait la repousser de trente millions), sous-dote l’action sociale en faisant comme si la crise sanitaire n’avait pas aggravé la situation de dizaines de milliers de personnes, repousse des projets sociaux, bloque les mécanismes salariaux du personnel et fait de la hausse de l’impôt municipal un tabou. Il peut cependant être amélioré, sur proposition des commissions, voire du Conseil administratif lui-même», relève, sur son blog, Pascal Hollenweg, élu socialiste. Pour lui, la hausse de deux centimes additionnels de l’impôt communal n’est pas un sujet tabou.

Pour leur part, les syndicats SIT et SSP s’offusquent de ce projet de budget et dénoncent une «triple attaque des mécanismes salariaux», par le blocage des annuités pour 2021, du 13e salaire progressif et de la prime d’ancienneté. «Fini les applaudissements pour les employé.e.s des services publics qui se sont mobilisés et ont accumulé les heures supplémentaires pour répondre aux besoins des sans- abri à la caserne des Vernets, continuer à entretenir la Ville, ramasser les déchets, assurer la sécurité ou soute- nir les familles dans le deuil au centre funéraire de Saint-Georges, par exemple. Ce ne sont pas aux employé- e-s de la Ville de Genève de payer les conséquences économiques de la crise du Covid-19 et de la réforme fiscale sur le bénéfice des entreprises (RFFA)», soulignent-ils dans un communiqué.
«La Ville de Genève fait fausse route. C’est au contraire en créant des emplois publics utiles et en garantissant une non-dégradation du pouvoir d’achat des salarié.e.s, face à l’augmentation constante des assurances et des loyers, que l’on sortira de cette crise, pas en donnant le mauvais exemple au privé vers une dégradation généralisée des conditions de travail de l’ensemble des salarié.e.s du canton», précisent-ils. Ils demandent de concert au Conseil administratif de «revoir sa copie».

 

Le Canton de Vaud dans le rouge

Pour la première fois en 15 ans, le Canton de Vaud voit rouge. Le gouvernement vaudois vient d’annoncer une projection financière déficitaire pour 2021, à 163 millions de francs, sur un total de charge de 10,3 milliards. L’Etat prévoit la création de 350 postes, dont 223 nouveaux enseignants. Pour le reste, il alloue quelques ressources supplémentaires à l’action sociale (+49 mios ou +1,9%) ainsi qu’à la santé (+26 mios ou +1,8%), en lien avec l’évolution démographique et le vieillissement de la population. Indépendamment du Plan climat (doté de 173 millions d’investissement en 2021), le projet augmente un peu les ressources pour les secteurs de l’environnement et de l’énergie (+12 mios), l’accueil de jour des enfants (+8 mios), les transports publics et la mobilité douce (+4 mios). Les partis politiques vaudois ont aussitôt réagi à ce budget 2021. Les Verts ont salué un projet «ambitieux et courageux», à la hauteur des enjeux climatiques. La gauche de la gauche a quant à elle critiqué ce budget, «insuffisant face aux besoins sociaux et à l’urgence climatique».