La Suisse, timidement à gauche?

Votation • Un scrutin porteur d’espérance malgré l’absence de grounding pour des jets qui priorisent encore l’armée et ses dépenses.

On n’a jamais joué au loto. Mais ce dimanche, au fur et à mesure que les résultats des votations tombaient, j’ai probablement ressenti la même excitation que celui réalisant que les numéros entendus à la radio correspondent à ceux qu’il a cochés. Enfin, quasiment. J’ai presque fait un sans-faute. Pour une fois que j’aurais voté juste, il s’en est fallu d’un cheveu. J’ai trébuché sur la ligne. Tant pis, on aura des avions de combat, aussi utiles à notre pays que des Grenadiers alpins en Belgique. Mais pourtant, malgré cette défaite sur les jets, la votation de ce dimanche est porteuse d’espoir et mérite d’être analysée.

Tout d’abord, elle a connu une participation très élevée. Selon l’Office fédéral de la statistique, la participation moyenne aux votations pour 2019 est de 40.9%.1 Pour ce scrutin du 27 septembre, elle se monte à 59% (1) Presque 20% de plus. A cela, on peut postuler plusieurs raisons. Le rassemblement de deux scrutins en un, puisque le précédent a été annulé en raison du Covid. Mais peut-être aussi la politisation induite par la crise sanitaire. Car je suis sûr de n’avoir pas été le seul à savoir que le Conseil fédéral tenait des conférences de presse, et à les avoir suivies durant le semi- confinement. Peut-être que pas mal de personnes ont compris que la politique les concernait, finalement. Et qu’il existait peut-être un sens à s’y intéresser un brin.

Et puis… il s’agit du premier scrutin après ladite crise. Une crise qui a conduit à pas mal de changements. Des applaudissements sur les balcons. La reconnaissance de l’utilité des métiers dévalorisés. Les méfaits de notre système de consommation. La remise en question de certaines priorités (l’armée, à tout hasard) sur d’autres (la santé). Des assurances choyées, des entreprises qui doivent s’endetter, des indépendant.e.s qui ramassent… il y a de quoi chambouler quelques perspectives.

Bref, je ne sais pas vous, mais moi, quand je vois que Genève passe un salaire minimum à 57.81% des votant.e.s et que la Suisse met dans le même jour une grosse droite à l’UDC par 61.7%, refuse de soutenir de nouvelles déductions fiscales par 63.2% et, enfin, entre dans le 21e siècle en votant un congé paternité à 60.3%, j’ai soudainement l’impression que le pays vient de faire non seulement un pas en avant. Mais également un pas de côté. À gauche.

1 www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/politique/votations/ participation.html