«T-shirt de la honte»: une question de sexisme

Droits humains • Les manifestante.x.s des différents groupes féministes genevois ayant organisé la riposte contre les règles vestimentaires dans les écoles publiques genevoises montent au front. Elles dénoncent un sexisme institutionnel et en entreprises.

Selon la Magistrate Anne Emery-Torracinta, le DIP (GE) n’est pas «l’arbitre des élégances… Dans le monde de l’entreprise, pour lequel nous préparons les jeunes, des règles assez claires sont aussi appliquées» (TdG 15.09.20). Votre sentiment?
Il n’est pas ici question de mode. Mais de la sexualisation des corps des jeunes filles dans leur milieu scolaire venant principalement du corps enseignant. Parler de tenue «adéquate» ou «décente», c’est laisser la liberté à chaque responsable d’établissement de définir, selon son appréciation et regard sur les corps féminins, ce qu’il est décent de montrer ou pas.
C’est une vision très patriarcale qui s’applique dans nos écoles et une logique fortement capitaliste que de former les jeunes au «monde de l’entreprise». Ce n’est pas le rôle de l’école que de préparer l’aliénation des futurs travailleurs.euses. Ceci en freinant leur développement personnel. Qui passe aussi par l’apparence à ces âges. Le sexisme et la misogynie sont très présents dans les milieux de l’entreprise. Il faut critiquer, dès le départ, les institutions génératrices d’inégalités et qui vont créer des violences dans le milieu du travail.

Il existe l’avis qu’une «tenue correcte» éviterait les «problèmes» liés aux vêtements comme révélateurs des inégalités sociales à travers les marques. Votre réponse?

Tant qu’on évolue dans un système capitaliste, il y aura toujours des inégalités. Uniformiser les tenues des jeunes pour les mettre au même niveau, c’est cacher le problème des écarts entre catégories sociales. Cela montre qu’il n’y a même pas la volonté de s’attaquer au problème de la précarité.
De plus, un uniforme coûte cher et il faut l’entretenir. Cela n’efface nullement les marqueurs sociaux. Dans cette tranche d’âge, on a besoin de s’affirmer. Et surtout de se représenter par rapport à un groupe social et à une individualité propre. C’est anti-pédagogique de vouloir uniformiser les élèves, l’objectif étant d’avancer plutôt que de revenir à d’anciennes pratiques.
Et pour ramener l’argument de l’uniforme devant la problématique des tenues des filles dans nos écoles, il suffit de taper «écolier» et «écolière» sur un moteur de recherche pour se rendre compte que même un uniforme dit «innocent» peut être détourné pour nous hyper- sexualiser.

Pour le DIP ces règles s’appliquent aux filles comme aux garçons. Votre réaction?

Le «t-shirt de la honte» est une pratique humiliante concernant uniquement les jeunes filles. Avancer cet argument est une façon déguisée de feindre l’égalité de traitement entre filles et garçons. C’est beaucoup moins humiliant de demander à un garçon d’ôter son couvre-chef que d’exiger d’une jeune fille de couvrir la quasi-totalité de son corps. Cela sous-entend qu’il est indécent et provocateur. Il est incompréhensible que le corps enseignant et le DIP pratiquent le «slut-shaming» (tendance à rendre honteux et répréhensible la sexualité des femmes) déjà à cet âge-là. La liberté des femmes de s’habiller comme elles le souhaitent pose problème depuis toujours. Mais comme aujourd’hui, ce serait mal vu de prohiber, on décourage par l’humiliation publique.

Réponses collectives synthétisées par Aminat Datsieva