Une fibre ouvrière pour un Jura plus social

Jura • Le 18 octobre auront lieu les élections cantonales jurassiennes. Entretien avec Francesco Pires, syndicaliste et candidat ouvrier sur la liste CS-POP pour le législatif et l’exécutif.

Francisco Pires voudrait que le Jura mène une vraie politique de relance pour les salarié.e.s touchés de plein fouet par la crise du Covid-19. (POP)

Francisco Pires, habitant des Franches Montagnes, district où le CS-POP présentera une liste pour la première fois pour le législatif est syndicaliste à Unia Neuchâtel depuis 2011 dans le secteur de la construction. Ancien mécanicien automobile, il est père de trois enfants. Et se présente dans la course pour l’un des cinq sièges au Gouvernement. Déplorant le manque de représentants de la classe ouvrière dans les instances politiques, il souhaiterait des modifications légales pour permettre aux salarié.e.s de faire de la politique «sans risque d’être licencié.e.s ou placardisé.e.s» et ce afin de faire entendre une voix humaniste et anticapitaliste.

Quels sont les enjeux de ces élections?

Francisco Pires Notre objectif est d’obtenir une majorité de gauche tant au Parlement qu’au Conseil d’Etat. Aujourd’hui, le Gouvernement compte deux élus de droite (1PDC, 1PLR), deux socialistes et un représentant du Parti chrétien social indépendant (PCSI) avec David Eray, chef du département de l’environnement. Si ce dernier est présenté comme un homme de centre-gauche, il prend souvent des décisions de droite. Voilà pourquoi nous appelons à voter aussi pour les Verts et le PS au Gouvernement pour renforcer la gauche.
Au Parlement (26 élu.e.s de gauche avec les 8 du PCSI sur 60 sièges, ndr), notre but est un renforcement de la présence des élu.e.s progressistes. En ce qui concerne l’objectif du CS- POP, nous voudrions obtenir au moins un.e troisième élu.e au Parlement pour former un groupe lors de la prochaine législature.

En faveur des priorités sociales et écologiques, quels sont vos axes de campagne?

En 2019, après 10 ans d’attente, un rapport social sur la pauvreté dans le Canton, a montré que plus de 6’000 personnes étaient en situation de précarité et que près de 25% des Jurassien.ne.s risquaient d’y basculer. Les salaires restent bas, stagnant, voire baissant depuis des années. le salaire minimum de 20 frs, entré en vigueur en 2018, est juste au-dessus du niveau de l’aide sociale. A titre d’exemple, dans l’horlogerie, secteur de forte plus-value, le salaire minimum est fixé à 3510 francs et 4060 francs pour un ouvrier avec CFC. Il est difficile pour une famille de vivre avec un tel salaire, sachant que les contribuables jurassiens sont parmi les plus taxés de Suisse. Ce qui conduit de nombreux travailleur.euse.s à changer de canton et à devenir en quelque sorte des frontaliers cantonaux. Face à cette situation, nous défendons la nécessité d’un plan contre la pauvreté et une politique d’investissement ambitieuse dans l’économie du fait de la crise liée à la pandémie, quitte à remettre en question le principe du frein à l’endettement adopté il y a une dizaine d’années.

Le Gouvernement vient d’annoncer un projet de budget déficitaire de 3,9 millions de francs, en ne promettant aucune coupe. Vous y croyez vraiment?

Non, la politique d’austérité du Gouvernement n’a rien de nouveau. Dès 2014, le Conseil d’Etat avait lancé un programme Optima, qui s’est répercuté sur les classes populaires et les services publics. A cette époque, seul CS-POP s’y était opposé. L’entrée en vigueur de la Réforme fis- cale et financement de l’AVS (RFFA), que nous avons combattue tant elle allait à l’encontre de l’équité devant l’impôt, contribue aujourd’hui à reporter les charges de la baisse fiscale des bénéfices des entreprises sur les classes moyennes et la population. Face à cette situation, nous considérons qu’il faut privilégier une politique de relance, quitte à s’endetter ou à puiser plus dans la réserve de politique budgétaire.

Quelles sont vos propositions en matière d’écologie?

La transition écologique et énergétique nous tient à cœur. Nous voudrions mettre sur pied un service cantonal de l’énergie indépendant et mettre en place un «plan» favorisant les économies dans ce domaine et la promotion des énergies renouvelables Notamment, la création d’un fonds d’innovation «écosociale» pour les entreprises qui présentent des projets de reconversion écologique et respectent des critères sociaux cumulatifs. Dans tous les cas, les futurs projets doivent faire l’objet d’un débat démocratique permettant aux communes et à la population de donner leur avis. Par exemple dans l’installation d’éoliennes et éviter ainsi de donner un blanc- seing aux multinationales du secteur. La transition écologique doit être en mains publiques afin de garantir un retour gagnant pour les Jurassien.enne.s en termes d’emplois et de revenus.
Nous tenons également à développer l’accès aux transports publics en termes de réseau et de coûts d’utilisation pour atteindre la gratuité.

Face à une hausse des primes de 2%, le Parlement jurassien a adopté une résolution demandant aux Chambres fédérales d’intervenir pour que les réserves excédentaires des caisses soient utilisées afin de geler les primes ces deux prochaines années. Votre avis?

Les comptes des caisses sont complète- ment opaques au point que personne n’y comprend plus rien. Le plus simple reste pour nous de créer une caisse unique et publique, une proposition qui a déjà été plébiscitée plusieurs fois dans le canton. Le M. Covid du canton, le Ministre de l’économie et de la santé, Jacques Gerber (PLR), a bien dit qu’il n’y avait pas de transparence dans les caisses. Mais je voudrais rappeler que les lobbies des caisses maladie sont souvent représentés à Berne par la droite libérale. Il faudrait que nos représentant.e.s au niveau fédéral et dans le canton fassent une fois quelque chose de sérieux et de concret pour stopper ces augmentations.
Plus globalement, j’estime qu’il faudrait penser solidaire- ment au monde de l’après Covid-19, en se recentrant sur l’humain et le quotidien des gens.

Le 28 mars 2021, Moutier revotera sur son appartenance au Jura. Vos attentes?

Pour moi, l’annulation du vote de Moutier en 2020 par la Préfète du Jura bernois est une honte et tient du Grand Guignol. Ainsi il a été prouvé que le nombre de cas de fraude potentielle liés au tourisme électoral pour le scrutin ne dépassait pas les trois-quatre. L’intégration de Moutier – ville jurassienne par son histoire, dynamique en matière d’industrie et culture – et de ses 7’400 habitant.e.s sera un plus pour le Jura, qui cherche à gagner de nouveaux résident.e.s. Par ses relations privilégiées avec Berne, cette ville permettra aussi au Jura de créer un nouveau pont avec les Bernois.