Le Palais Lumière raconte l’épopée du Cinématographe

Exposition • Après Paris, Bologne et Lyon, c’est au Palais Lumière d’Evian que fait halte l’exposition «Lumière! Le cinéma inventé», consacrée aux frères Auguste et Louis Lumière.

2e affiche Cinématographe par Auzolle. (DR)

Si cette exposition a pleinement sa place à Evian-les-Bains, c’est que les frères Lumière ont marqué la station de leur empreinte, en faisant construire la villa Lumière, devenue l’Hôtel de ville depuis 1927. La riche présentation montre d’abord que le désir de projeter et d’animer des images est bien antérieur au Cinématographe. Depuis le 17e siècle, on connaît les lanternes magiques. Puis le 19e siècle verra apparaître une série d’inventions, en particulier celles de Thomas Edison.

Le génie des frères Lumière sera d’opérer une synthèse de toutes les découvertes précédentes et de mettre au point le Cinématographe, dont ils déposent le brevet en 1895. Le cinéma est né! L’histoire de la famille Lumière est d’abord une saga industrielle lyonnaise. La société «Antoine Lumière et ses fils» devient la première industrie européenne de plaques photographiques. Elle sera sans cesse concurrencée par Kodak. Elle est aussi à la base d’inventions majeures dans le domaine de la photographie, qu’il s’agisse de l’Autochrome, premier procédé commercial de photographie en couleur, ou d’appareils de projection d’images.

Les usines Lumière sont immenses et occupent des centaines d’ouvriers et ouvrières. La sortie de l’usine Lumière à Lyon, tournée en 1895, est d’ailleurs le titre du premier film d’Auguste et Louis. La même année est présenté Le Jardinier, qui deviendra vite L’Arroseur arrosé, considéré comme le premier film comique. L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat sera aussi un grand succès populaire: on raconte que des spectateurs, terrorisés par la locomotive à vapeur qui fonce sur eux, se levèrent précipitamment de leurs sièges… Car les frères Lumière sauront rapidement exploiter commercialement leur invention. Le 28 décembre 1895, ils organisent la première séance publique payante, au Salon indien de l’hôtel Scribe à Paris (reconstitué dans le cadre de l’exposition). Tout cela est montré à Evian par une riche collection d’appareils, de photographies, d’affiches publicitaires, mais surtout par la projection intégrale, sur une multitude de petits écrans, des 1422 films Lumière. Ceux-ci, à vrai dire, présentent une faible valeur esthétique.

Pour que le cinéma naisse comme art, il faudra attendre Georges Méliès et son Voyage dans la Lune de 1902, chef-d’œuvre d’illusions photo- graphiques et d’inventions techniques, qui dure pas moins de 16 minutes. Les frères Lumière cesseront d’ailleurs de tourner la même année, comprenant que ce n’est pas leur métier. Ils sont d’abord des ingénieurs et des industriels.

Leurs innombrables films sont essentiellement de courts documentaires de moins d’une minute, aux sujets très variés. On peut donc voir à Evian de nombreux défilés militaires, des visites royales, des scènes de rue, des gymnastes, des baigneurs, des scènes familiales comme Le Repas de bébé, etc. Ces films gardent tout leur intérêt comme illustrations vivantes du tournant des 19e et 20e siècles.

L’exposition met aussi en valeur une forte solidarité familiale chez les Lumière. Par exemple, Auguste et Louis épousent deux sœurs et vivent dans deux appartements symétriques d’une même villa. Ce qu’elle ne montre pas en revanche, c’est leur soutien au fascisme, au gouvernement de Vichy et à sa politique de collabo- ration. Mais cela, c’est une autre histoire…

On appréciera cette exposition assez exceptionnelle, qui se décline sur plusieurs plans, tant technique que sociétal et surtout cinématographique.

«Lumière! Le cinéma inventé», Palais Lumière Evian, exposition prolongée jusqu’au 3 janvier 2021.