Grounding social sur le tarmac

Genève • Le syndicat SSP Aéroport a dénoncé cette semaine les licenciements chez Gate Gourmet et un «plan social alibi».

Le secteur aérien est frappé de plein fouet par la crise du Covid-19. L’aéroport de Cointrin, qui a vu une remontée du trafic pendant l’été, affiche une baisse de 75% au nombre de passagers de septembre par rapport à la même période l’année passée. La direction de l’infrastructure estime qu’il réalisera une perte d’au minimum 100 millions de francs en 2020. Dès mi-mars, le chômage partiel a été introduit. Les embauches ont été gelées et les remplacements suite à des départs naturels strictement limités. Les contrats à durée déterminée n’ont pas été renouvelés et les retraites anticipées ont été encouragées.

Restructurations au menu

Au total, le budget 2021 comptera ainsi 56 postes de moins. Toutes ces mesures aboutissent à une réduction de 10% de la masse salariale en 2021, soit 14 millions de francs. Des économies de 44 millions sur les dépenses de fonctionnement pour les budgets 2020 et 2021 ont aussi été prévues.

Ce contexte impacte aussi les prestataires de services du secteur aérien. En juillet, Gate Gourmet, filiale de restauration à bord des avions de Gategroup, qui appartient à parts égales au fonds d’investissement singapourien Temasek et au fonds malaisien RRJ Capital. Employant environ 2000 personnes en Suisse, Gate Gourmet avait annoncé qu’il pourrait supprimer au moins 300 postes, principalement à l’aéroport de Zurich.
A Genève, ce sont 1/3 des 198 employée.e.s, qui ont reçu une lettre de licenciement. Cette semaine, le syndicat SSP Aéroport organisait une conférence de presse dénonçant les pratiques de l’entreprise, qui a bénéficié des réductions d’horaires de travail (RHT), payées par le chômage. «La loi oblige à aussi payer les salaires à 100% pendant la période de licenciement, ce qui n’est pas le cas ici. De plus, le plan social prévu est un alibi. Il indique qu’il ne peut être appliqué qu’aux salarié.e.s, qui ont travaillé pendant 20 ans dans l’entreprise et ont 40 ans. Pour ceux et celles, qui ont entre 15 et 19 ans de travail, l’âge de référence est de 50 ans. A notre connaissance, les personnes licenciées n’entrent pas dans le cadre de ce plan social. Nos propositions alternatives ont été refusées par Gate Gourmet», a souligné Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical.

Casse sociale

Pour asserter cette négation des droits sociaux, deux anciens employé.e.s de l’entreprise ont tenu à témoigner. Agée de 32 ans, avec 10 ans d’ancienneté, Vanessa* a ainsi expliqué qu’elle avait été licenciée pendant la période des RHT et qu’elle n’avait perçu que 80% de son salaire pendant la période de préavis de chômage. «Je n’ai pas de CFC. Ce qui fait qu’il sera très dur de retrouver du travail», a-t-elle aussi confié. Même topo pour Antonio*. Il a travaillé 4 ans dans la firme, devenant chef d’équipe. L’employé a reçu une lettre de licenciement le 21 août. «On nous dit finalement démerde-toi. Avec deux enfants à charge, il est très difficile de vivre avec 80% de son salaire, et il sera ardu de retrouver du travail», explique-t-il.
Jamshid Pouranpir craint une véritable casse sociale à l’aéroport. «Les RHT sont prolongées de trois mois en trois mois jusqu’en septembre 2021, mais il est clair que d’ici là l’activité dans le domaine aérien ne va pas reprendre», a-t-il ajouté au micro de Radio Lac. Le syndicat demande la création d’une task force avec les directions des entreprises, Genève Aéroport et les syndicats pour remédier à cette situation.

*Prénoms d’emprunt