Uber mangera-t-il les droits sociaux?

Neuchâtel • Le 12 mai dernier, la multinationale Uber Eats annonçait le déploiement de son activité sur sol neuchâtelois. Aussitôt, des livreurs ont arpenté les rues de la capitale cantonale.

Rappelons que le modèle économique d’Uber et Uber Eats constitue une source de précarisation sans précédent de la société et un cheval de Troie de l’ultralibéralisme. Ses pratiques ont été dénoncées au niveau européen et en Suisse. La Suva (principal assureur-accidents de Suisse, ndlr) (1) a ainsi rendu une décision confirmant le statut de salariés des personnes travaillant pour la Société Uber.

Dans le canton de Vaud, le tribunal lausannois des Prud’hommes a également condamné les agissements et le caractère de «faux» indépendants promu par la multinationale (2). La Cour de justice du canton de Genève a, elle, constaté le rapport d’employé-employeur entre Uber Eats et ses livreurs (3)

Des statuts à clarifier


Dans ce cadre, le groupe Pop-Verts-SolidaritéS (PVS) intervenait le 1er septembre 2020 auprès du gouvernement neuchâtelois pour clarifier le statut des livreurs Uber dans le canton et les modes de contrôles mise en place par l’État. Par une réponse écrite, le département concerné reconnaissait le statut d’indépendant et l’accroissement de l’activité d’Uber Eats dans le canton, sans pour autant dénoncer ses agissements. De plus, non inscrit au registre du commerce, UberEats n’a demandé aucune autorisation au Canton par rapport à la location de service, et ne s’est annoncé ni aux caisses cantonales de compensation, ni à la TVA ou à la SUVA. Les livreurs semblent bel et bien être des travailleurs au noir, sans couverture sociale.

Le 15 octobre, l’émission Temps présent sur la RTS dénonçait la précarisation des employés de la firme. Les impacts sociaux, économiques et fiscaux étaient dénoncés tant par Umberto Bandiera, secrétaire syndical d’UNIA, que par le Conseiller d’État Mauro Poggia. Le 2 novembre, le groupe PVS intervenait à nouveau au Grand Conseil pour dénoncer la passivité du gouvernement neuchâtelois (4).

Contre la précarisation


La complaisance de l’Etat de Neuchâtel sur les agissements de ce type de sociétés n’est pas acceptable. Neuchâtel ne peut être une zone de non droit. 
Après le démantèlement, en 2017, du filet social cantonal (5), les milieux intéressés nous confient régulièrement leur inquiétude sur la faiblesse du contrôle du marché du travail neuchâtelois, source importante de précarisation. « Travail au noir », non contrôle du salaire minimum, le «laisser-faire» idéologique du gouvernement à majorité socialiste ne peut continuer… Ce d’autant plus que la situation pandémique pourrait bien jouer un rôle d’accélérateur de la précarisation dans le canton.

(1) Décision SUVA du 2 août 2016, confirmée par la décision du 22 novembre 2019.
(2) Décision du 29 avril 2019.
(3) Arrêt du 29 mai 2020.
(4) Interpellation «Uber Eats ‘hits the workers’! », par Cédric Dupraz (PVS) et Martine Docourt-Ducommun (PS).
(5) A la suite des réformes de 2017, les normes d’aide sociale neuchâteloise sont parmi les plus faibles du pays, notamment pour les jeunes.