Donald Trump for ever?

Opinion • En Suisse comme en Europe, il suffit de parler de Trump pour mettre tout le monde d’accord. Mais 47,2% d’électeurs ont voté pour lui. Un soutien qui interroge.

Il est un affreux président, incompétent, hystérique, exacerbant le racisme et le sexisme. Certains vont même jusqu’à le comparer à Hitler. De même, Barack Obama mettait 80% des Européens de son côté. Charismatique, intelligent, drôle, afro-américain… L’un des meilleurs présidents des États-Unis, sans conteste.
Or je soupçonne que les choses ne sont pas si simples, et que notre tendance au manichéisme nous conduit à une certaine injustice dans l’attribution des bons et mauvais points.

Drones tueurs et libre-échange

Ainsi, Obama avait un programme de meurtres par drones sans précédent, ce qu’il n’a pas hésité à dissimuler aux médias, quitte à mentir. Trump, pour sa part, a tenu plusieurs de ses promesses électorales, notamment sur le retour de l’emploi dans son pays. Il a par ailleurs davantage fait contre TISA (Accord sur le commerce des services) que toutes les manifestations auxquelles j’ai participé. TISA risque par ailleurs de voir à nouveau le jour maintenant qu’un libre-échangiste est de retour à la Maison-Blanche.

Je ne vais pas prétendre que Trump était meilleur président qu’Obama. Je ne le pense pas. En revanche, méfions-nous de la simplification à outrance. Il est facile de suivre les jugements à l’emporte-pièce que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, qui visent surtout à provoquer un maximum d’émoi pour agglomérer des «likes».

Very Bad Trump?

Trump a été un mauvais président. Parce qu’il n’a pas condamné les attentats racistes. Parce qu’il a relancé les sanctions économiques contre Cuba. Parce qu’il a tenté de détruire l’accord iranien sur le nucléaire. Parce qu’il a déplacé l’ambassade étasunienne en Israël, etc.

Mais pour beaucoup d’Américains, il représentait aussi une alternative à l’establishment politique. Le premier président des États-Unis à s’être opposé au libre-échange tous azimuts. Quelqu’un qui donnait l’impression d’être à l’écoute des gens. Rappelons qu’avant qu’il ne soit le candidat des Républicains en 2016, on risquait d’avoir un duel entre un troisième Bush et une deuxième Clinton. En matière de dynastie politique, ça se pose là!

Gare au mépris

Le journaliste français Eric Brunnet avait déclaré que les 19% d’électeurs de Mélenchon étaient «19% d’abrutis». Un mépris incroyable d’une partie de l’électorat qui, simplement, ne partage pas sa vision néolibérale macronienne. Trump a récolté 47.2% de voix. Et si nous avons bien sûr le droit de penser que les États-Unis sont peuplés de près de 74 millions d’abrutis, je pense que ce n’est pas ainsi qu’il faut lire les chiffres. Peut-être vaudrait-il mieux se demander pourquoi 74 millions d’électeurs sont prêts à voter pour la seule prétendue alternative à l’establishment politique? L’Allemagne de 1933 était-elle pleine d’abrutis?

Trump a été un mauvais président, outrageux, sexiste, tout ce que vous voulez. Mais nous sommes à un moment de notre histoire où des gens sont prêts à élire un mauvais président pourvu qu’il propose une alternative à un système qui ne cesse de décevoir. Cela ne rend pas Trump meilleur, mais devrait nous amener à réfléchir. Et à identifier que le problème, c’est le système.