Pandémie: mesures de soutien controversées

Genève • A l’occasion d’une session spéciale Covid-19, le Grand Conseil a adopté la semaine dernière plusieurs projets de loi d’aide financière extraordinaire de l’Etat destinée aux cas de rigueur. Mais n’a rien prévu pour les salarié.e.s.

Ainsi dans les secteurs de l’hôtellerie, des infrastructures aéroportuaires, de l’événementiel ou transport professionnel des personnes notamment. Ceci pour un montant de 44 millions pour cas de rigueur. Il s’ajoute aux 493 millions de francs mis à disposition par l’Etat depuis le mois de mars 2020. Ceci afin de soutenir l’économie, la santé, la culture, l’action sociale et la formation, sous forme d’aides à fonds perdus, de prêts gratuits et d’investissements publics.

Protection des salarié.e.s oubliée

Là où le bât blesse pour la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), c’est que ces aides ne sont pas conditionnées à des engagements fermes de la part des employeurs à l’égard de leurs salariés ou des plus précarisés. Des amendements dans ce sens ont bien été proposés par la gauche lors des débats du 25 novembre, mais ont tous été refusés. «Quand bien même les employeurs ne sont pas les seuls touchés par les effets de la pandémie, ce sont à l’heure actuelle les seuls à bénéficier de centaines de milliers de francs d’aides cantonales sans qu’un centime ne soit directement affecté à la protection du revenu des salarié.e.s. Alors que dans des cantons voisins, les pouvoirs publies fournissent des compléments aux RHT pour couvrir le 100% du salaire, Genève détourne toujours le regard des plus précarisé.e.s qui recommencent pourtant à reformer des files pour obtenir de l’aide alimentaire», souligne la CGAS.

Soumis à une clause d’urgence, ces projets de loi pour cas de rigueur votés par le parlement le 25 novembre enteront en vigueur avant le vote d’un référendum. Ce qui ne désarme pas la CGAS, qui décidera le 3 décembre à l’occasion d’un comité extraordinaire d’en lancer un ou pas. «Il y a un intérêt de marquer le coup politiquement», précise Davide De Filippo, président de la CGAS.

Loi en projet

Durant les débats, l’Alternative (Socialistes, Verts, Ensemble à Gauche) a aussi déposé un nouveau projet de loi pour permettre d’indemniser les travailleurs.euses du canton ayant subi une perte de revenus pour cause de pandémie au vu de la deuxième vague. «Il a été discuté en commission cette semaine et pourra peut-être revenir en plénum, même si je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur son sort», nous précise Léna Strasser, députée socialiste et cheffe de groupe.

Pour sa part, la CGAS s’inquiète autant de la volonté de dérégulation des horaires de magasins, voulue par la droite «pour compenser les pertes des commerces». «Nous avons fait recours contre le projet d’ouvrir les magasins le samedi de 18 à 20 heures. Si la droite revient à la charge avec son projet d’ouverture jusqu’à 20h, nous lancerons un référendum», précise Davide de Filippo.

Fonds d’urgence en pause

Elle rappelle aussi que le fonds d’urgence de 15 millions pour les personnes sans revenu au printemps durant la pandémie et attaqué par un référendum de l’UDC et du MCG devra attendre son passage en votation le 7 mars 2021.

Quant au projet de budget 2021 du canton et des mesures d’austérité que le gouvernement entend appliquer à la fonction publique, il sera discuté les 3 et 4 décembre par le Grand Conseil. Le 17 novembre, le Conseil d’Etat avait un peu reculé, en annonçant qu’il renonçait à la baisse linéaire de 1% sur les salaires de tous ses collaborateurs sur quatre ans. Depuis, les partis gouvernementaux (PS, Verts, PLR, PDC, MCG) se sont mis d’accord sur un projet de budget. Celui-ci supprimera l’annuité 2021 de la fonction publique en échange de la création – notoirement insuffisante selon les syndicats – de 350 nouveaux postes.
«Le budget qui en résulte, déficitaire de 840 millions, est un budget de crise, mais aussi de responsabilité, qui vise à répondre aux défis posés par le contexte actuel. Ce déficit est principalement dû aux prestations supplémentaires pour la population et aux aides nécessaires pour le tissu économique du canton», tentent de justifier en choeur, les auteurs du marchandage, contesté uniquement par Ensemble à Gauche et l’UDC pour des raisons diamétralement opposées.

Recours patronal contre le salaire minimum

Le patronat genevois – à savoir la Fédération du commerce genevois, la Fédération des entreprises romandes (FER Genève), le Groupement professionnel des restaurateurs et hôteliers ainsi que la Nouvelle organisation des entrepreneurs, vient de déposer cette semaine un recours contre l’entrée en vigueur du salaire minimum. Ils demandent son report son report au 1er février 2021 et exigent la possibilité de pouvoir indexer à la baisse ce dernier. Ce recours suscite l’ire des syndicats. «Il constitue une rupture du dialogue social à un moment critique. Les syndicats en prennent acte et évalueront la réponse à donner à cette attitude déloyale lors du comité extraordinaire de la CGAS du 3 décembre », souligne la faîtière.

De son côté, celle-ci a déposé un recours contre les dérogations au salaire minimum dans la floriculture et dans l’agriculture et contre la volonté du gouvernement de n’indexer le salaire minimum qu’à partir de 2021. Une semaine avant, la faîtière des coiffeurs avait déposé un recours pour une exemption du salaire minimum pour les apprenti.e.s durant quatre ans.