Ploutocratie à La Chaux-de-Fonds

Neuchâtel • Récolter des signatures pour un référendum ou une initiative est un droit essentiel et nécessaire pour la vitalité du débat démocratique. Il est absolument légitime que la population puisse s’exprimer sur tout type de projet. (Par Julien Gressot)

Celles et ceux qui ont eu l’occasion de le faire le savent, une récolte est un acte militant fort, qui demande une grande implication et un engagement conséquent. Pour pallier cette difficulté, des partis et des lobbys richement dotés ont l’habitude de recourir à des «mercenaires» rémunérés afin d’obtenir les précieux paraphes. Escamotant ainsi la première étape du débat qu’est la quête des signatures. Ces «mercenaires» payés à la signature le plus souvent, n’ont ni le temps ni l’envie de dialoguer. Ils veulent que nous signions quitte à employer des raccourcis pour passer à leur cible suivante.

Informer plutôt qu’ignorer

À La Chaux-de-Fonds, un énième débat sur la place de la voiture en ville, toujours omniprésente, a eu lieu en octobre et le législatif a accepté d’entériner le principe de la piétonnisation de la Place du Marché. Sans surprise et comme d’habitude est-on tenté de dire, le TCS épaulé par un PDC en quête de visibilité et d’une UDC sans militants, a lancé le référendum. Nous n’avons évidemment rien à redire au droit du lobby de la bagnole à vouloir rester au XXe siècle en voulant avoir des places de parking, et si possible à l’intérieur des commerces, et d’empêcher le développement d’une ville plus conviviale et vivante pour faire vivre ces mêmes commerces. Sur le fond donc aucun problème à respecter le droit des «camés de la berline», mais la forme pose problème.

En effet, quelle ne fut pas la surprise de nombre de chauxoises et chauxois de se faire aborder par des jeunes ne connaissant strictement rien au contenu du rapport ni à la géographie de la ville pour sauver une espèce soi-disant menacée: la place de parking. Ainsi à la question des lieux de stationnement désormais libérés sur la rue du Parc grâce à l’introduction du macaron et de la zone bleue, un gros silence suivi d’un «je ne sais pas où elle est, je ne viens pas d’ici». Après tirage de vers du nez, il s’avère qu’une partie des récolteurs provient de l’Arc lémanique. C’est leur troisième référendum qu’ils font pour le compte du TCS après Genève et Neuchâtel avec les places de parking à Serrière. Rapidement un des jeunes ne souhaite plus discuter car il doit atteindre «son quota» quotidien. Ne jetons pas la pierre à ces «mercenaires» en quête de moyens! Les responsables sont à rechercher du côté de celles et ceux qui ont suffisamment de pognon, ici le TCS, pour envoyer des plus pauvres récolter à leur place.

Argumentaire et pratique problématiques

Le seul argument employé est: on dépense 5 millions pour supprimer des places de parking et pour mettre des pavés. Quand on leur explique qu’une partie de cette somme sera employée pour les conduits souterrains, ils n’en connaissent pas le rapport. Quand on leur explique qu’une commission a été instaurée à la demande du POP pour étudier la question du revêtement, réduire les coûts et entendre les besoins des différents utilisateurs, ils n’en ont aucune idée. Et quand on leur dit qu’un parking sera agrandi sur la Place des forains peu leur en chaut.

Pour les partis qui n’ont ainsi pas besoin de sortir récolter des signatures, les pratiques ploutocratiques du TCS sont bienvenues et ne choquent pas comme ils l’ont souligné dans Arcinfo le 11 novembre. Sans argent le référendum aboutirait-il? Nous ne le saurons jamais. Cette pratique est-elle légale? Malheureusement oui, mais elle entraîne une asymétrie néfaste. Ainsi chez les partis aux moyens limités, regarder tout à gauche, ou pour la majorité des citoyens, chaque référendum doit être pesé afin de voir si les forces suffiront pour le mener à bien alors que bon nombre de décisions mériteraient de passer devant la population (bradages des biens communaux, détériorations des conditions de travail du personnel communal, baisse du soutien à la population précarisée…). L’argent permet ainsi d’acheter le droit de faire passer en votation certains objets, alors que d’autres, touchant les plus pauvres, sont beaucoup plus difficiles à défendre.

Pour que l’outil du référendum ne serve pas qu’aux plus riches, il est grand temps d’interdire la récolte rémunérée de signatures