La politique du bâton de l’OCE

Genève • Les sanctions de l’Office cantonal de l’emploi explosent et réduisent de 80 millions le revenu des personnes au chômage. (Par Manuela Cattani, Paru dans le journal SITinfo, adapté par la rédaction)

Le Conseil d’Etat a publié fin octobre les statistiques des sanctions prononcées par l’OCE (Office cantonal de l’emploi) entre 2012 et 2019*. Le constat est édifiant: elles passent de 7191 à 17’025 sur cette période, soit une augmentation de 136%!

La plupart de ces sanctions se traduisent par la perte d’un quart, voire quelquefois de la totalité des indemnités mensuelles selon la sanction, alors que joindre les deux bouts est déjà difficile pour grand nombre de personnes au chômage parce que l’indemnité ne couvre que 70 à 80% de l’ancien salaire.

Où va cet argent soustrait aux sans-emploi? Qui dépasse en 2019 la coquette somme de 80 millions, selon nos calculs sur la base d’une indemnité journalière moyenne de 140 francs? Il retourne à l’assurance chômage, pour le fonctionnement des ORP et des caisses de chômage. Cette politique de paupérisation des sans-emploi est révoltante et doit cesser.

Surveiller et punir au lieu de soutenir

L’explosion des sanctions est la conséquence de choix politiques. Les sanctions pour insuffisance de recherche d’emplois, qui ont doublé depuis 2012 passant de 5101 cas à cette date à 10’951 l’année dernière, viennent soustraire 44 millions aux sans-emploi en 2019. L’OCE, soutenu par le chef du département, a décidé en 2016 de doubler de 5 à 10 le nombre de recherches mensuelles exigibles, malgré la vive opposition des personnes concernées et des syndicats. Puis de 10 à 14 en 2019 pour le personnel des professions soumises à l’obligation d’annonce. Ces mesures ne visaient pas à soutenir les sans-emploi, mais à les sanctionner plus facilement.

La preuve par les statistiques publiées. 1968 sanctions pour refus d’un travail admissible prononcées en 2019, contre 729 en 2016 et 179 en 2012. 10 fois plus de sanctions, et 17 millions d’économie. Pour les sans-emploi, cela représente un mois voire plus sans revenu. Cette évolution montre clairement le rôle joué par la politique de préférence cantonale. Combattue par les syndicats, censée aider les chômeuses et les chômeurs à être prioritaires pour un emploi dans les services publics et le secteur subventionné, depuis sa mise en oeuvre, la mesure n’a pas conduit à l’augmentation de l’engagement de sans-emploi dans ces services. En revanche, les sanctions pour refus d’une offre d’emploi ou d’un travail ont spectaculairement augmenté.

Refuser un emploi inadéquat

En période de crise, les assurances sociales devraient servir à soutenir la population, pas à l’enfoncer. La loi sur le chômage est à bien des égards une loi de droite régie par l’idée que les sans-emploi sont des profiteuses et profiteurs. Pour être solidaires avec les sans-emploi, il faut réaffirmer qu’il est tout à fait légitime de refuser des propositions d’emploi qui ne correspondent pas aux compétences et aspirations, qui sont inadaptées aux conditions de santé, à durée déterminée alors que l’on recherche un emploi stable, des emplois avec un salaire inférieur au dernier salaire, comprenant des horaires non compatibles avec son organisation de vie. Se battre pour que cette politique révoltante de tracasseries et de sanctions, qui fragilise les moyens de subsistance des personnes et familles, cesse immédiatement est une priorité. n

*Infos sur le rapport sur www.ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01388A.pdf

 

Exemples de situations sanctionnées

Rappelons que les «jours» correspondent à des indemnités journalières supprimées, correspondant à des jours ouvrables. A titre d’exemple, 21 jours de pénalité égale un mois complet sans indemnités chômage. A l’occasion de permanences syndicales, plusieurs cas de sanctions lourdes sont apparus. Il en va ainsi de cette mère seule avec 3 enfants en bas âge, qui a refusé un travail temporaire de deux mois, du fait que les horaires n’étaient pas compatibles. Elle a écopé de 27 jours de sanction.

Un cuisinier avec CFC, qui a refusé un emploi de plongeur a reçu 21 jours de pénalités. Une personne qui n’a présenté que 18 recherches d’emploi au lieu de 20 durant son délai de congé a eu six jours d’indemnité chômage en moins. Un autre s’est vu retirer cinq jours d’indemnité pour un retard d’un jour dans la remise des recherches du mois. Pour finir, une personne en gain intermédiaire a été pénalisée de trois jours de carence pour avoir présenté 7 recherches dans un même quartier.