Année des crises et luttes à venir

Perspectives • Outre les incertitudes créées par les soubresauts du Covid-19, 2021 sera encore plus marquée par les enjeux de lutte contre la pauvreté et les préoccupations écologiques.

Qui aurait pu se douter que l’annonce faite le 8 janvier 2020 par l’OMS, avec un mois et demi de retard sur les événements, de l’apparition d’une nouvelle forme de coronavirus en Chine, à Wuhan, dans la province d’Hubei allait conditionner toute l’année mondiale? Aucun doute aujourd’hui que la pandémie de Covid-19 marquera aussi 2021. En sus des attentes entretenues par la possibilité d’un vaccin, les implications sociales et économiques de la crise sanitaire seront au centre des enjeux.

«On va assister à une croissance très lente, le chômage qui a augmenté durant la crise, ne baissera que très lentement, les salaires continueront à être bas. Les personnes seront en difficulté. Les États essaieront de récupérer partie de l’argent déboursé pour soutenir l’économie, à travers une augmentation des impôts ou des coupes dans la dépense publique, toutes choses que nous avons vues depuis dix ans», prédit sur son blog, Michael Roberts, économiste marxiste reconnu et auteur de plusieurs livres comme Marx 200 ou La Longue dépression. «Les banques ont beaucoup d’argent parce que les Banques centrales ont largement émis de la monnaie pour éviter un effondrement bancaire comme en 2009, mais on pourrait assister à une crise de crédit d’entreprise avec de nombreuses firmes qui font faillite ou les grosses entreprises qui rachètent les petites», précise-t-il.

Sauver le climat: l’espoir du peuple

D’autres économistes du Centre français d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) comme Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran estiment, sur le site theconversation.com, que la pandémie pourrait aussi faire prendre conscience de l’impérieuse nécessité de sauver le climat. «Les périodes de crise sont rarement propices aux politiques environnementales, mais celle qui a frappé cette année l’économie mondiale, parce qu’elle est venue souligner le dérèglement de nos rapports à la nature et nous rappeler notre vulnérabilité, pourrait bien conduire à un tournant décisif dans l’engagement en faveur de la transition écologique», avancent-elles.

Plus d’actes moins de paroles face au changement climatique. C’est bien cette nécessité qu’a remise en avant la jeune activiste suédoise Greta Thunberg dans une vidéo, le 12 décembre, à l’occasion du cinquième anniversaire des Accords de Paris. Elle souligne que «le fossé entre ce que nous devons faire et ce qui est réellement fait se creuse de minute en minute» et que «la crise climatique et écologique ne peut être résolue sans changer le système».

Forums sociaux et climatiques

Ces préoccupations devraient avoir un impact certain à l’occasion du Forum social mondial, qui fêtera ses vingt ans depuis la création de ce rendez-vous global alternatif à Porto Alegre en 2001. Du 25 au 30 janvier, l’objectif sera de permettre des débats larges et approfondis sur les crises imbriquées du capitalisme et «de stimuler l’articulation des réponses politiques et la programmation d’actions mondiales de résistance», en vue de la prochaine édition planétaire post-pandémique du Forum, qui devrait avoir lieu fin 2021 ou début 2022 au Mexique. Peut-être en même temps que la Conférence de Glasgow (Cop 26) sur les changements climatiques qui se tiendra du 1er au 12 novembre 2021 en Écosse. En Suisse, la Grève pour l’Avenir regroupant aussi bien associations pro-climat que syndicats entend faire du 15 mai une journée de mobilisation forte de revendications contre les impasses des énergies fossiles et dénoncer les investissements de la place financière suisse dans le réchauffement climatique.

Elections cruciales

S’il est une certitude politique de l’année qui vient, c’est le départ définitif de l’échiquier politique d’Angela Merkel, chancelière d’Allemagne dès 2000 et depuis 2018 à la tête d’une coalition CDU-CSU/SPD dans le cadre du gouvernement Merkel IV. Le 26 septembre prochain, les électeurs allemands seront appelés aux urnes pour renouveler les membres du Bundestag. Pour l’heure, les sociaux-démocrates sont plutôt à la peine. Ils ont connu des crises depuis les dernières législatives notamment de leadership. Elles ont mené à une remise en cause en interne de leur participation à la grande coalition.

En Amérique latine se dérouleront aussi des scrutins importants. Qui succédera le 7 février à Lenin Moreno, actuel président équatorien ayant bradé l’héritage de son prédécesseur, Rafael Correa et sa Révolution citoyenne? Selon le site d’information Les 2 rives du journaliste indépendant Romain Migus, le gouvernement actuel a mis de nombreuses embûches, par une judiciarisation de la politique, pour empêcher les partisans de l’ancien président de disposer d’un parti politique, et donc d’un instrument électoral pour offrir aux Équatoriens une option politique alternative. Plus tard dans l’année, le 11 avril, se dérouleront les présidentielles et législatives au Pérou. Le pays affronte une grave crise de gouvernance, qui a vu se succéder récemment trois présidents par intérim. Puis à l’automne, le Nicaragua sandiniste élira le 7 novembre ses représentants et son nouveau président. Deux semaines plus tard, les Chiliens devront aussi se rendre aux urnes à l’occasion des présidentielles et de parlementaires partielles. Le président sortant Sebastián Piñera, grand patron surnommé le «Berlusconi chilien», fervent tenant du néolibéralisme, n’est pas candidat à sa réélection, la constitution chilienne interdisant les mandats successifs.

La Suisse dans l’austérité

Dans quel état se retrouvera la Suisse à l’issue de l’épidémie? Pour l’économiste keynésien et professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, Sergio Rossi, aucun doute: «Au lieu de prendre en main la situation de manière compétente et déterminée, afin de préserver la santé publique et contribuer de cette manière au fonctionnement ordonné du système économique, les autorités politiques, en Suisse davantage qu’ailleurs, ont une fois de plus donné la priorité aux intérêts d’une petite minorité de personnes. Les gouvernements nationaux ont ainsi aggravé la situation, tant sur le plan sanitaire qu’économique», critique-t-il sur son blog. Ces cadeaux fiscaux auront des conséquences sur des dossiers comme la réforme AVS 21. Celle-ci propose, une fois encore, d’élever l’âge de la retraite des femmes, ou celle de la prévoyance professionnelle.

Le calendrier électoral sera aussi marqué par de nombreuses votations. Le 7 mars, les Suisses se prononceront sur la Loi fédérale sur les services d’identification électronique (LSIE), prévoyant l’émission du passeport numérique uniquement par des fournisseurs privés. Le 14 décembre, le comité référendaire a lancé sa campagne contre la «privatisation du passeport numérique suisse».

D’autres textes sont prêts à être votés comme l’initiative «Pour une eau potable propre et une alimentation saine», excluant des paiements directs les exploitations agricoles qui administrent des antibiotiques à titre prophylactique aux animaux qu’elles élèvent. Ou celle «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse». Elle précise que l’utilisation de tout pesticide de synthèse dans la production agricole, la transformation des produits agricoles et l’entretien du territoire est interdite. De même que l’initiative «sur les soins infirmiers» qui demande un nombre suffisant d’infirmiers diplômés pour couvrir les besoins croissants. Ou celle «sur la transparence» réclame l’identification des donateurs d’une valeur supérieure à 10’000 francs de la part des partis politiques représentés à l’Assemblée fédérale. Ces deux initiatives sont dans le tuyau.

Scrutins cantonaux
Dans les cantons, plusieurs scrutins de renouvellement des autorités auront lieu. Le 7 mars, les Genevois devront choisir, à l’occasion d’une partielle, le successeur du PLR Pierre Maudet au Conseil d’État. L’homme aux multiples casseroles se représente comme indépendant contre son ancien parti, qui a désigné sans surprise son candidat, l’avocat Cyril Aellen, l’un des piliers de la formation au Grand Conseil. Mais la gauche aligne aussi des prétendant.e.s. Revendiquant un deuxième siège pour leur formation, les Verts lancent l’avocate Fabienne Fischer soutenue par les socialistes.

Le Parti du Travail propose une candidature de combat en la personne de l’ancien conseiller municipal en Ville de Genève et architecte, Morten Gisselbaek. Il est reconnu pour son engagement dans les mobilisations contre l’austérité, en défense du logement et de la qualité de la vie dans les quartiers populaires.

Le 7 mars aura lieu le premier tour des élections communales vaudoises. La gauche devrait maintenir son ascendant traditionnel dans les Villes. Pour le POP, l’enjeu sera de conserver les sièges de ses élu.e.s au sein des Municipalités de Lausanne et Renens ou ceux de ses alliés à Vevey ou au Mont-sur-Lausanne. Le 18 avril auront lieu les élections cantonales neuchâteloises. Deux ministres sortants socialistes, Jean-Nathanaël Karakash et Monika Maire-Hefti, ont déjà annoncé qu’ils ne brigueraient pas un nouveau mandat.