Une sombre vision de Noël 2021

Fiction • Petit conte de circonstances en forme de retour sur un futur contingent autour d’une pandémie. Toute ressemblance avec des faits à venir est fortuite.

En ce vendredi 24 décembre 2021, les rues des grandes villes de Suisse sont pratiquement désertes. A l’exception des travailleurs et travailleuses des activités dites «essentielles», nul.le n’est autorisé.e à y circuler. Une année après la «Grande vague», qui a submergé les hôpitaux, conduit au «tri» des patient.e.s, et entraîné des milliers de décès, Confédération et cantons n’ont pas hésité à déclarer l’état de «situation extraordinaire» et un confinement généralisé pour affronter l’hiver et son pic épidémique. Cette année, les débats se seront donc moins portés sur l’ouverture des stations de ski ou l’harmonisation des règles entre cantons, et le mot d’ordre à l’arrivée du froid est désormais «confiner aussi vite que possible et aussi longtemps que nécessaire».

Doutes sur le vaccin

Bien qu’un léger effet de la politique vaccinale soit attendu, d’après l’Office fédéral de la santé publique, «le nombre de personnes immunisées devrait encore être trop faible pour éviter un dangereux afflux vers les hôpitaux». Il faut dire que la campagne de vaccination ne connaît pas un grand succès avec moins d’un.e Suisses.se.s sur deux se déclarant prêt à l’inoculation. Un taux qui pourrait encore chuter depuis la récente multiplication, à travers le monde, de cas de cancers ou de complications de grossesses que plusieurs associations de patients.e.s attribuent au vaccin.
A ces craintes, il faut ajouter le nombre grandissant de personnes infectées par le coronavirus malgré le vaccin censé les protéger. Si certain.e.s scientifiques mettent en cause la mutation apparue en Angleterre l’hiver dernier et la possibilité d’une forme virale résistante, d’autres parlent de «théories farfelues» et de «complotisme anti-vax (vaccin)».

Festivités 3.0

C’est donc une soirée de Noël cloîtrée que s’apprête à vivre la population, et ce sera grâce aux petites mains des livreurs.euses d’Uber que la dinde sera dégustée. Aux pieds des immeubles s’amassent les cartons d’une autre entreprise américaine, Amazon. Qui aurait cru qu’un jour le mythe capitaliste du «Père Noël» et de son armée de petits lutins, aux conditions de travail et de revenu précaires, prenne vie à ce point. Après un repas partagé, à travers un écran posé en bout de table, avec les grands-parents, dans les familles qui en comptent encore, l’heure sera à l’ouverture des cadeaux. Pour les personnes qui peuvent encore se le permettre dans un contexte économique catastrophique.

L’îlot helvétique

Si la Suisse connaît une vague de pauvreté sans précédent, elle aura mieux résisté au «Krach» que la plupart de ses voisins européens. Après la faillite, en début d’année, d’une importante banque française, c’est une allemande qui avait suivi, entraînant dans leurs chutes les indices boursiers du vieux continent et le cours de l’euro. En France, où le système bancaire a dû être mis à l’arrêt plusieurs jours, suite à une «panne» du système de paiement par carte bleue, un mouvement social sans précédent, qui grondait depuis la crise des Gilets jaunes, s’est soulevé. Il a abouti au printemps à une grève générale paralysant totalement le pays. Après que des manifestations gigantesques aient envahi les lieux de pouvoir, en mai, dans un déferlement de violences policières, le régime de Macron a fait intervenir l’armée, conduisant à des centaines de blessés et plusieurs morts.
Depuis lors, la suspension des accords de Schengen rend difficile le passage des frontières et par là même toute occasion de «reprise» économique. Une importante censure des réseaux sociaux rend difficile l’accès à la situation de nos voisins. Au 19h30 l’on apprend ce soir, que la Commission européenne pencherait sur un plan de «relance et d’harmonisation politique» pour mettre fin «au chaos et à l’anarchie».
Par la fenêtre, au-dessus de la frontière franco-suisse, parmi les flocons, des points rouges lumineux virevoltent. Il ne s’agit probablement pas de rennes mais vraisemblablement de drones de surveillance.
Dans un appartement au loin, l’on entend chanter, «vive le vent, vive le vent, vive le vent révolutionnaire…».