Trois générations pour une obsolescence

Genève • Les habitant.e.s. de la Ville voteront le 7 mars sur un projet de parking au centre, en échange d’une piétonnisation de quelques rues. (Par Pascal Holenweg, Paru sur Cause toujours, adapté par la rédaction)

A quoi a-t-on affaire avec le projet de parking «Clé-de-Rive», soumis au vote des habitantes et habitants de la Ville de Genève? A une relique. Un souvenir. Un document à archiver, qui date d’un temps où l’urgence climatique n’avait pas encore été proclamée par la Ville et le Canton, où la population n’avait pas encore exprimé son choix pour des modes de transports plus doux que la bagnole, où elle n’avait pas encore voté la loi sur la mobilité «cohérente et équilibrée» et n’attendait pas encore qu’on la mette en oeuvre.

Aspirateur à cylindrées

Le parking proposé serait, avec ses 498 places sur six niveaux (plus 388 places pour deux-roues motorisés) un véritable aspirateur à voitures, attirant de la circulation automobile en ville, alors que les sept parkings voisins, dont la fréquentation est en baisse constante, disposent d’un nombre suffisant de places libres toute l’année. Pour faire avaler ce projet ringard (et privé) à une population qui n’en a pas besoin (c’est la Ville qui vote, pas Anières ou Vandoeuvres), le promoteur l’a recouvert d’un joli nappage sucré: une «zone piétonne» – ou plutôt ce qui est présenté comme telle, au prix de l’abattage de 69 arbres en violation du moratoire voté par la Ville de Genève sur la coupe des arbres.

Une zone piétonne, vraiment? En réalité, la seule vraie piétonnisation proposée est celle de la première partie de la rue Pierre-Fatio; la rue d’Italie, soi-disant à priorité piétonne, constituera l’axe principal de passage des nombreuses lignes TPG dans le secteur, avec ses nuisances et ses dangers évidents pour les piéton.ne.s. Et le boulevard Helvétique sera transformé en véritable autoroute urbaine avec l’ajout d’une voie de circulation automobile. Nous sommes partisans de la création d’une zone piétonne. Mais d’une vraie.

Pour une réelle zone piétonne

Nous refusons ce parking obsolète, mais prévu pour durer au moins 65 ans – trois générations… c’est long, pour une obsolescence – et de nous contenter de la zone piétonne au rabais proposée pour nous le faire avaler. Une initiative a d’ailleurs abouti pour qu’une véritable zone piétonne soit créée autour de Rive, sans devoir être payée par un parking. On veut des parkings? Qu’on les crée là où le besoin s’en fait sentir: à l’entrée de la ville pas en son centre. Et qu’on les crée en supprimant autant de places en surface qu’on en a enterrées, pas en s’accrochant à une règle de compensation intégrale que le peuple lui-même a révoquée en septembre dernier.
A quoi cela rimerait, de lier la Ville pendant 65 ans à un projet privé qui fleure bon le fétichisme bagnolard des années soixante du siècle dernier, et ne tient aucun compte ni des changements de comportement des habitants, ni de la volonté collective de libérer les villes de l’emprise de l’automobile, ni de l’urgence climatique? Genève a commencé à rattraper son retard dans le passage du «tout automobile» à la «mobilité douce». Elle le fait trop lentement à notre goût, mais au moins elle le fait. Ne la freinons pas dans cet élan, si timoré qu’il nous semble encore.