«Chasse aux sans-papiers» dénoncée

Genève • Alertés par des personnes sans statut légal ayant subi contrôles d’identité voire arrestations, syndicats et associations en appellent au Conseil d’Etat. Pour intervenir auprès du Conseil fédéral et mettre fin à cette pratique répressive.

Regroupant des associations et syndicats, le Collectif de soutien aux sans-papiers de Genève s’insurge contre ce qu’il qualifie de «scandaleuse traque». Voilà plus d’un mois que des contrôles d’identité «systématiques» et des arrestations de personnes sans statut légal leur sont rapportés. Interrogé sur leur nombre, Alessandro de Filippo, coordinateur du collectif explique qu’il est difficile à évaluer. Ceci pour deux raisons, «d’une part les personnes concernées sont parfois terrorisées et ne reviennent pas vers les associations et d’autre part les autorités ont une pratique opaque, puisqu’elles ne fournissent pas de réelles statistiques.»

Elles seraient toutefois de l’ordre de plusieurs dizaines par semaine, à en croire les remontées du terrain. «Depuis le début de l’année, on est devant une politique massive», estime M. de Filippo, qui y voit une pratique «révoltante» de par son caractère «systématique». «Il y a toujours eu des contrôles sporadiques. Ils étaient plus nombreux en fin d’année pour faire du chiffre, un peu comme avec les amendes d’ordre. Là on est face à autre chose», explique-t-il.

Contrôles tous azimuts

Toujours selon les sources du terrain, les travailleuses et travailleurs ciblés n’étaient pas en train de troubler l’ordre public ou de tenter de passer la frontière. Etablies à Genève, les personnes sans-papiers rapportent avoir subi ces contrôles dans les transports publics, aux arrêts de bus. Ceci alors qu’elles se rendaient au travail ou allaient chercher leurs enfants à l’école. Selon le collectif, ils ont même parfois lieu dans le voisinage d’associations de soutien, sur des personnes en quête d’un colis d’aide alimentaire pour nourrir leur famille.

Ces contrôles, qui sont parfois suivis d’arrestations et d’interrogatoires au poste, ne seraient pas le fait de la police mais du corps des gardes-frontières. Ce dernier dépend de l’Administration fédérale des douanes, elle-même répondant au Département des finances dirigé probablement jusqu’à la fin de la législature en 2023 par l’UDC Ueli Maurer, 70 ans.

Arbitraire

Interrogé sur l’issue des procédures, M. de Filippo explique que «les personnes sans autorisation de séjour valable reçoivent une interdiction d’entrée en Suisse et dans les pays signataires des accords de Schengen. Ceci avec copie aux autorités fédérales – Secrétariat d’Etat aux migrations – et cantonales – Office cantonal de la population et des migrations, OCPM. Pour celles disposant d’une autorisation, ou étant en procédure pour en obtenir une, elles sont relâchées». Il évoque néanmoins des cas de personnes qui, malgré une attestation de l’OCPM prouvant l’existence d’une procédure en cours, ont été amenées au poste et soumises à un interrogatoire.

Pour le Collectif de soutien aux sans-papiers, cette «vague» de contrôles est d’une ampleur inédite à Genève depuis de nombreuses années. Elle rappelle celle des années 90. A cette époque, parmi les personnes saisonnières, c’était surtout la police qui faisait régner la terreur. Aux arrêts de bus, elle attendait, au petit jour les petites mains, jardiniers et femmes de ménage entretenant les villas cossues des quartiers bourgeois de Florissant ou Plan-les-Ouates, pour vérifier les «permis (de séjour)» ou parfois simplement leur signifier, «rentrer chez vous!».

La pratique douanière de ces dernières semaines choque. «Alors que nous sommes en pleine pandémie, et que ces populations précaires sont déjà fortement fragilisées par la crise, nous condamnons fermement cette pratique consistant à traquer de la sorte des personnes vulnérables qui ne posent aucun risque sécuritaire», écrivent les membres du Collectif dans un communiqué. Ces derniers réitèrent leur solidarité avec les personnes concernées et réaffirment qu’elles se tiennent à leurs côtés.

Pour faire cesser immédiatement ces opérations de contrôles et ces arrestations «ciblées de manière indigne sur les populations les plus précaires», le Collectif appelle le Conseil d’Etat à en faire de même, «en cohérence avec la position courageuse et pragmatique qu’il tient depuis plus d’une décennie, de la demande de régularisation collective formulée en 2005 à l’opération Papyrus menée en 2017-18».