Le vacarme des bottes

France • Le 22 avril était publiée dans le magazine d’extrême droite «Valeurs Actuelles», une tribune signée par près d’une vingtaine de généraux de l’armée française en retraite.

Intitulé «Pour un retour à l’honneur de nos gouvernants», le texte se veut une dénonciation du «délitement» qui frapperait le pays. Un délitement qui, à travers «un certain antiracisme», s’afficherait dans le seul but de créer un «mal-être», voire même une «haine» entre les «communautés». Comprenez par là, que des anti-racistes, parlant notamment de «théories décoloniales», voudraient que se produise une «guerre raciale». Ce serait donc celles et ceux qui luttent contre le racisme et les conséquences du passé colonial qui finalement seraient les véritables racistes.

Jusqu’ici rien qui n’apporte du nouveau aux théories contemporaines de l’extrême-droite française. Toutefois, les signataires vont plus loin. Selon eux, si rien n’est entrepris contre ce délitement, auquel ils ajoutent, notamment, ceux de l’islamisme et des «hordes de banlieues», le pays se dirigerait vers une «explosion», et «l’intervention [de l’armée] d’active dans une mission périlleuse de protection [des] valeurs civilisationnelles [françaises] et de sauvegarde [de la population] sur le territoire national».

Bien qu’ayant provoqué un tollé, cette théorie d’une guerre contre des «ennemis intérieurs», qui serait imminente, a pu paraître à certains ne constituer qu’une énième provocation des forces xénophobes du pays. Alors, lorsque le 11 mai dernier, le même magazine remet le couvert en publiant une «tribune des militaires», cette fois d’active, c’est-à-dire en service, l’effroi s’est fait sentir.

Dans celle-ci, des soldats anonymes donnent presque raison sur le fond à leurs aînés en estiment également qu’une guerre civile, et non raciale cette fois, couverait en France. Ces hommes et femmes en uniforme tiennent à préciser que la «lâcheté» d’avoir commenté la première tribune, la «fourberie» de renvoyer des militaires au devoir de réserve, et la «perversion» de les sanctionner s’ils ne le font pas, «ne constituent pas [leur] vision de la hiérarchie».

Quatre militaires sur dix voteraient pour l’extrême-droite, d’après les estimations du journal Le Monde. Selon un autre journal, Libération, près de 7 policiers actifs sur 10 en feraient de même. Le 6 mai, un syndicat policier, minoritaire, France Police, demandait à Emmanuel Macron de «boucler» les «territoires perdus de la République» avec des «checkpoints sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens».
Avec un tel vacarme de bottes, combien de temps reste-t-il avant que la «bête immonde» ne soit pleinement réveillée?