Retour aux droits fondamentaux

Proche-Orient • Depuis bientôt deux semaines, Etat israélien et Hamas font parler les armes. Face à cette escalade meurtrière, des manifestations en soutien aux Palestiniens ont eu lieu dans plusieurs villes de Suisse. Membre fondateur du Collectif Urgence Palestine, Tobia Schnebli éclaire les enjeux.

Un rassemblement de solidarité avec le peuple palestinien s’est tenu à Genève le 15 mai pour dire « Halte aux crimes et au nettoyage ethnique en Palestine et à la complicité de nos gouvernements.» (DR)

Quelles sont les raisons du déclenchement des hostilités entre Israël et le Hamas?

Tobia  Schnebli Le début de la mobilisation palestinienne est lié à une énième tentative de l’État israélien de poursuivre sa politique de nettoyage ethnique, en tentant d’expulser une cinquantaine de familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah dans la partie Est de Jérusalem, annexé en dehors de toute légalité internationale en 1981. A cela s’ajoute, la tentative de la police de bloquer l’accès des Palestiniens à l’esplanade des Mosquées en pleine période de Ramadan et les provocations d’escadrons d’extrémistes sionistes et de colons, qui procèdent à des «chasses à l’Arabe» dans la Vieille ville de Jérusalem.
L’élément nouveau dans l’actuelle confrontation réside dans la mobilisation de masse de l’ensemble du peuple palestinien, aussi bien à Jérusalem qu’à Gaza ou dans les villes israéliennes mixtes comme Lod, Ramle ou Saint-Jean d’Acre. Les Palestiniens d’Israël, descendants de ce ceux qui n’ont pas été chassés en 1948, se révoltent contre la politique d’apartheid qui les touche aussi et qui a culminé avec ces scènes de lynchage en pleine rue d’un membre de cette minorité à Bat Yam, au sud de Tel-Aviv. La mobilisation a aussi gagné la Cisjordanie et a été durement réprimée par des tirs à balles réelles par l’armée israélienne. Des manifestations demandant le droit au retour se sont aussi déroulées chez les réfugiés palestiniens du Liban et de Jordanie.

Le conflit est aujourd’hui présenté comme une guerre entre Israël et le Hamas. Qu’en est-il?

Le gouvernement du Hamas dans la Bande de Gaza est rapidement intervenu dans le processus, en menaçant d’envoyer des roquettes si Israël ne cessait pas son nettoyage ethnique ou n’enlevait pas les barrières de sécurité autour de la Mosquée Al-Aqsa. Ce qu’il a fait, entraînant un cycle de représailles, qui jusqu’à présent ont fait 200 morts de civils palestiniens et 10 du côté israélien.
Mais la résistance palestinienne est beaucoup plus large. La mobilisation conjointe et massive des jeunes Palestiniens, la grève générale des Palestiniens de ce mardi dans les Territoires Occupés palestiniens, en Israël et dans les camps de réfugiés au Liban et en Jordanie, montrent une dynamique sans précédents. Ces mobilisations constituent un désaveu cinglant du projet d’atomisation et d’effacement du peuple palestinien et de ses droits inaliénables en cours depuis 73 ans.

Y a-t-il un espoir de recomposition de la situation politique interne aux Palestiniens?

Le mouvement de résistance global des Palestiniens permet cet espoir. Hamas n’est pas le seul représentant de cette résistance et en Cisjordanie, la vieille génération de l’OLP et du Fatah, qui a décidé d’annuler les élections législatives et la présidentielle de cette année, est largement délégitimée. Pourtant la relève existe bien aussi dans ses rangs, notamment avec une figure comme Marouane Barghouti, politiquement actif malgré son emprisonnement depuis 2004.

Que vise Benjamin Netanyahou, le premier ministre israélien dans cette escalade?

Le premier ministre israélien est dans un délire d’omnipotence, assuré qu’il peut agir en toute impunité, soutenu par les Etats-Unis et les Européens. Il pratique la surenchère militaire d’autant plus qu’il est empêtré dans des affaires de corruption. Il sait qu’il n’a pas de comptes à rendre pour les massacres de civils à Gaza ni pour la continuation du nettoyage ethnique à Jérusalem et ailleurs dans la Palestine occupée. Cette impunité lui permet de s’affranchir de toute légalité internationale, comme on l’a vu avec le bombardement de siège des agences de presse AP et Al-Jazeera à Gaza. Il cherche une nouvelle victoire pour humilier le Hamas, comme cela s’est passé en 2008-2009 (opération plomb durci), en 2012 (Pilier de défense) ou en 2014 (Bordure protectrice). Mais à chaque fois et après chaque conflit, le Hamas en a profité pour augmenter ses capacités militaires.

En parallèle, les travaillistes israéliens sont en plein reflux, n’ayant obtenu que 7 sièges sur 120 à la Knesset lors des législatives 2021. Existe-t-il des options de gauche dans ce conflit?
Il est vrai que l’on assiste à une droitisation sans précédent de la société israélienne, au point que la gauche radicale comme celle du pacifiste et anticolonialiste Michel Warschawski a peur d’afficher ses convictions dans la rue, du fait des menaces de violences de l’extrême-droite. Mais il ne faut pas se faire d’illusions sur les travaillistes. Après la signature des accords d’Olso (1993), qui établissaient une autonomie palestinienne, les travaillistes ont cautionné une politique de fait accompli et de colonisation accrue des territoires occupés.
Sous la présidence de Shimon Peres (2007-2014), la colonisation a continué, ruinant la solution des deux Etats. La construction du mur de séparation israélien, qui empiète largement dans les Territoires Occupés, a été voulue par cette «gauche» et mise en œuvre par Ariel Sharon depuis 2003, contribuant à l’étouffement des Palestiniens.

Quel rôle doit jouer la communauté internationale et le Conseil de sécurité de l’ONU. Que peut faire la Suisse?

En affirmant, comme beaucoup de pays Européens, qu’Israël «a le droit de se défendre», la nouvelle administration étasunienne montre un soutien indéfectible à l’État d’Israël. Le jour est encore bien lointain où l’Occident considèrera que le peuple palestinien doit jouir des mêmes droits humains, démocratiques et collectifs que tout autre peuple du monde. Dans le cadre de sa politique des bons offices et en tant que dépositaire des Conventions de Genève (le droit international humanitaire), la Suisse devrait faire beaucoup plus. 
Si elle a repris son aide aux réfugiés (interrompue un moment par Ignazio Cassis), la droite bourgeoise à Berne n’entend pas revenir sur son soutien quasi inconditionnel à Israël et à sa politique, comme on le voit avec le silence actuel du ministre des affaires étrangères qui soutenait le Plan de paix de Trump de 2020, imposé avec des monarchies pétrolières sanguinaires dans le dos des Palestiniens. Le soutien occidental, sous couvert de sentiment de culpabilité lié au génocide des Juifs européens, sert à maintenir le partenariat stratégique, économique et militaire avec Israël. La liberté et l’autodétermination du peuple palestinien pourraient faire tache d’huile dans tout le Moyen Orient, mettant à mal les alliances occidentales avec tous les régimes autoritaires voire dictatoriaux de la région.

Comment alors créer une paix durable dans la région?

Il faut revenir aux fondamentaux, soit le droit à l’autodétermination des Palestiniens dans le cadre d’un État souverain, avec la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale palestinienne et l’application du droit international. Cela doit porter aussi sur l’application du droit au retour des réfugiés, abrités dans des camps depuis la Nakbah, quand 750’000 réfugiés palestiniens ont dû quitter leurs terres et leurs maisons en 1948. Tout en sachant que tout le monde ne rentrera pas, c’est un droit de tous les réfugiés de retrouver les biens et les terres dont ils ont été évincés et dépossédés.

 

Rendez-vous: Journée globale d’action du 22 mai 2021 , Solidarité avec la résistance du peuple palestinien
Manifestation à Genève rdv 14h quai devant le Palais Wilson, cortège jusqu’au parc des Cropettes.

Org.: BDS, CUP Genève, Foulards Vio- lets & Faites des Vagues, Lihaqqi Europe, Outrage Collectif