Liberté de manifester, point trop n’en faut

Il faut le dire • Cette atteinte au droit de réunion et d’expression au nom de la nécessité de ripoliner l’image de la Genève internationale est grave

Le battage médiatique et institutionnel autour de la rencontre «historique» entre le président des Etats-Unis, Joe Biden et son homologue russe, Vladimir Poutine, tourne à plein. En parallèle de cet événement ultra-sécurisé, certains auraient voulu faire entendre aussi leur voix. Tel est le cas de la Coordination genevoise pour le droit de manifester (CGDM), qui rassemble de collectifs, partis, syndicats et associations se mobilisant depuis 2019 pour dénoncer les pratiques policières genevoises de restriction à la liberté de réunion. Elle espérait circuler entre le centre-ville et la Place des Nations, siège de l’ONU. Leur objectif: dénoncer tous les impérialismes – les budgets militaires de ces deux pays étant le 1er et 4e plus élevés au monde, et en appeler aux droits des peuples et à la justice climatique.

L’affaire a rapidement tourné court. Les autorités genevoises estimant que le cortège pourrait causer des nuisances de trafic… dans une rade interdite aux véhicules, l’ont tout bonnement interdit. De plus, la décision a été communiquée un jour avant la rencontre du 16 juin, prohibant tout recours auprès du Tribunal administratif. Les organisateurs avaient pourtant annoncé qu’ils étaient prêts à envisager un parcours alternatif dans la ville, mais rien n’y a fait. Ils ont dû se contenter d’une manifestation statique, excentrée et sans visibilité sur la plaine de Plainpalais, sous le vol incessant des hélicoptères.

Conclusion de la CGDM: «Pour le gouvernement genevois, les libertés fondamentales sont un luxe qui est dispensable face la raison d’Etat et aux intérêts économiques. Or, une telle approche n’est pas conforme aux principes démocratiques que les autorités seraient avisées de montrer, alors que le monde a les yeux rivés sur Genève». Cette atteinte au droit de réunion et d’expression au nom de la nécessité de ripoliner l’image de la Genève internationale est d’autant plus grave qu’elle contrevient aussi bien à la Convention européenne des droits de l’Homme qu’au pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle semble même contre-productive du fait que la manifestation avait annoncé qu’elle serait pacifique.