Essai sur les mouvements sociaux

Livre • Peter Gelderloos est un militant américain anarchiste. Son essai, «Comment la non-violence protège l’Etat», est une analyse iconoclaste et controversée des tactiques usant de la violence. (ublié par l’équipe de Radix.red, adapté par la rédaction)

Existe-t-il une falsification de l’Histoire, à travers Gandhi, Nelson Mandela ou Rosa Parks érigé.es comme emblématiques de la non-violence? (DR)

Peter Gelderloos ne prône pas la violence, mais une diversité de tactique au sein des mouvements sociaux afin de dédramatiser l’usage de celle-ci. L’organisation sociale néolibérale capitaliste est intrinsèquement violente. L’auteur met en perspective la violence des manifestations avec la violence structurelle de l’Etat. L’Etat, qu’il soit démocratique ou non, est le système le plus meurtrier qui ait existé comme ce sont les États qui créent des guerres, des génocides, la police et les violences qui en découlent. Le but de l’auteur est donc non pas de dire que les tactiques non violentes sont inutiles, mais de dénoncer les personnes qui combattent la violence de manière dogmatique.

Oppression et libération

Dans la préface, le chercheur et professeur québécois Francis Dupuis-Déri distingue deux formes de violences. D’une part, la violence institutionnalisée, de l’autre la violence de la résistance. Soit une violence de l’oppression et une violence de la libération, donc l’une légale et l’autre considérée illicite. «L’Etat distribue des médailles et il érige des monuments pour célébrer la violence d’assassins en uniformes, connus ou inconnus, pendant ce temps des militantes et militants s’entre-déchirent au sujet de la violence qui marquerait les luttes sociales et populaires. Leur sensiblerie éthique est à ce point exacerbée qu’une simple pince à découper est associée à la violence.» Il y a là un double standard: pourquoi qualifie-t-on de violence le fait de déboulonner des statues de Christophe Colomb sans vouloir voir la violence que représente la statue elle-même?

Gelderloos avance qu’il faut une diversité des tactiques. Toutefois les «pacifistes» veulent condamner la violence. Le militant anarchiste américain condamne une dénonciation arbitraire de la violence sans la questionner. Il donne de multiples exemples d’actions, de mouvements violents qui ont abouti à des révolutions ou des résultats grâce à la diversité des tactiques dont font partie les actions violentes. Il donne beaucoup d’exemples historiques détaillés comme l’obtention de droits civiques aux Etats-Unis pour les personnes noires ou encore la lutte contre la colonisation Britannique en Inde.

Instrumentalisation de l’Histoire

L’essayiste montre qu’il existe une falsification de l’Histoire, notamment à travers des figures comme Gandhi, Nelson Mandela ou Rosa Parks érigé.es comme emblématiques de la non-violence. Leurs actions ont été falsifiées et déformées au nom de doctrines de la non-violence. Il est hautement problématique d’utiliser de telles figures pour justifier des positions pacifistes. Les personnes citées comme pacifistes ne l’étaient pas… les résultats obtenus par des groupes violents qui auront un fort impact dans les mêmes luttes sont totalement ignorés.

Cette logique permet aux groupes privilégiés de conserver leurs privilèges. Ce système est illustré à travers plusieurs chapitres. Celles et ceux qui veulent influencer le système pour le modifier sont, à la base, suffisamment privilégiés pour accéder ou s’approcher des positions de pouvoir de ce même système. De plus, le confort des pacifistes étant garanti par un système profondément meurtrier et violent, vouloir profiter de ce système violent d’une part et se dire non violent d’autre part se révélerait contradictoire.

Médias et stratégies

L’ouvrage explore aussi le rapport aux médias. Mais aussi les stratégies. Soit la voie à suivre, comme les règles d’un jeu pour atteindre un objectif. Et les tactiques – les actions pour arriver au résultat tracé par la stratégie… Le débat porte sur le fait de savoir si la tactique est moralement bonne ou non. Mais non plus sur le fait de savoir si les tactiques permettent d’arriver ou pas à l’objectif visé.
Ce livre est accessible, y compris pour les personnes non habituées aux concepts politiques abordés. Il utilise un vocabulaire facilement compréhensible qui permet… à des personnes non-militantes de s’initier à ces thématiques sans être trop simpliste.

 

Peter Gelderloos, Comment la non-violence protège l’Etat: Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux, Editions libres, 2018, 235 p.