De la futilité à la nécessité

Analyse • C’est l’histoire d’un homme qui chute depuis le haut d’un immeuble et qui en passant par le 12ème étage s’entend dire «Ça va ?» Alors, il répond : «Jusque-là, tout va bien». (Par Patrick Savioli)

L’homme qui tombe depuis le 12ème étage est un libéral. Depuis des décennies, il a tout tenté pour augmenter la productivité, raboter les salaires et développer le commerce mondial. Selon lui, l’Etat l’empêche d’atteindre ses ambitieux objectifs et lui met constamment des bâtons dans les roues. Bon, quand le système se grippe, il est d’accord de se faire sauver par les pouvoirs publics. Le problème qui va se poser d’ici quelques années, c’est que le système néo-libéral, qui prône la mondialisation et le marché libre, n’est pas viable car la croissance infinie n’est pas possible dans un monde fini. Déjà, la croissance occidentale n’existe plus, elle a disparu dans les méandres de la finance internationale et de l’injection de liquidité. Depuis les années 60, c’est 1% de produit intérieur brut (PIB) qui a disparu chaque décennie. L’économie occidentale est atone et seule la Chine ainsi que quelques pays émergents sont en mesure d’obtenir encore des résultats. Mais à quel prix et à quelles conditions?

Une pandémie comme celle du Covid-19 jusqu’en 2050

Les trois pays les plus peuplés et industrialisés (Chine, Etats-Unis et Inde) concentre 50% des émissions de CO2. Pour subvenir aux besoins de l’humanité, il faudrait les ressources de plus de 1,7 planète. Les accords de Paris ne seront pas respectés, le meilleur exemple restant la décision des Etats-Unis de se retirer du traité (Merci Donald Trump, libéral dans toute sa splendeur). Bien évidemment, un accord qui vise à limiter les gaz à effet de serre ne va pas dans le bon sens puisque l’objectif politique de chaque dirigeant est de créer des emplois et de faire baisser le coût de l’énergie, ceci afin de se faire réélire. Il faudrait, chaque année jusqu’en 2050, une pandémie comme celle du Covid-19 pour faire baisser les émissions de gaz carbonique et respecter les accords de Paris, autant dire qu’aucun gouvernement n’est prêt à cela. Par ailleurs, le peuple suisse n’est pas prêt, lui qui a refusé récemment la loi CO2 ; même si la Suisse ne représente que 0,14% des émissions, le signal est de mauvais augure. Fondamentalement, le peuple est d’accord de moins polluer, mais il ne veut pas payer ni renoncer à son confort. C’est bien connu, les pollueurs, c’est les autres.

Enfin, moins polluer, ça reste à voir. Le peuple a aussi refusé la limitation de l’usage des pesticides dans l’agriculture à plus de 60%. Bref, continuons à développer le commerce (accord de libre-échange avec l’Indonésie) et à polluer (acheter des avions de combat qui ne serviront à rien) et advienne que pourra. Les générations futures seront à coup sûr reconnaissantes de notre altruisme.

Avec toutes ces contradictions kafkaïennes, la Suisse libérale, comme le reste du monde, continue à chuter de l’immeuble. Reste à savoir s’il est encore temps d’ouvrir un parachute et d’atterrir le plus doucement possible ou si tout le monde va s’écraser.