En Inde, des paysans mobilisés depuis un an

Inde • Les agriculteurs protestent contre les lois de libéralisation des marchés. Malgré la répression, les campements perdurent. (Par Lina Sankari, Paru dans L’Humanité)

L’hiver fut rude, la pandémie meurtrière et l’été – caniculaire- s’est achevé par une mousson aux inondations dévastatrices. La répression, elle, n’a jamais faibli. Ainsi les paysans indiens, mobilisés depuis septembre 2020, ont-ils traversé l’année, de manifestations en blocus de la capitale, de sit-in en campements sur les autoroutes.

Dimanche 5 septembre, un demi-million d’entre eux, soutenus par une cinquantaine de syndicats, ont repris la rue pour demander le retrait de trois ordonnances de libéralisation des marchés agricoles. Alors qu’elle fixait un prix minimal garanti par l’État, la loi élargit désormais la vente des produits agricoles à prix libres aux entreprises, qui pourront si elles le souhaitent passer des contrats d’exclusivité avec les producteurs. Rien n’empêche toutefois les compagnies de stocker les denrées pour une durée illimitée et d’organiser la spéculation. En Inde, 70% de la population dépendent, de manière directe ou non du monde rural, qui génère moins d’un sixième du PIB.

Pris à la gorge

A 31 ans, Sumit Dalal, un paysan de la province de l’Haryana (nord), est pris à la gorge. Pour moderniser son exploitation, il a contracté des prêts qu’il redoute aujourd’hui de ne pas pouvoir rembourser. Dans le même temps, le coût des intrants a continué de grimper.

«En 2014, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le premier ministre, Narendra Modi, promettait de mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale des agriculteurs, à savoir l’effacement de la dette et le doublement des revenus », expliquait-il y a quelques mois à l’Humanité.

Les paysans déplorent que seule la moitié de leur production soit achetée au prix minimal de soutien et le reste à un prix inférieur. En huit ans, le prix du riz paddy ou de la canne à sucre n’a quasiment pas évolué.
La fin des prix régulés sur les marchés publics régionaux pose en outre des difficultés supplémentaires aux consommateurs les plus pauvres. Ce qui explique également le soutien de la population au mouvement des agriculteurs.

Pour les obliger à reculer, le gouvernement nationaliste a tenté de jouer la carte de la division religieuse, a rompu les négociations tout en prônant le dialogue, lancé des enquêtes contre les responsables syndicaux. L’exécutif assure que les ordonnances permettront aux paysans d’accéder à un marché plus vaste et aux technologies. «Nous voudrions simplement pouvoir manger », répond Sumit Dulal, qui promet de rester sur son campement jusqu’à la victoire.