Malgré les violations des droits humains

Suisse • Alors que les Chambres ont à nouveau approuvé des mesures restrictives contre les requérants, la campagne «Education pour tous - Maintenant!» a déposé une pétition. (Par Damian Bugmann, Paru dans Vorwaerts, adapté par la rédaction)

La Suisse continue à renvoyer des réfugié.es, notamment en Ethiopie en plein conflit. (Solidarité sans frontières)

Les expulsions de requérant.es n’ont jamais cessé en Suisse. Alors qu’en raison de la pandémie, le nombre d’avions quittant le sol suisse a massivement diminué au cours de l’année et demie écoulée, des vols d’expulsion ont continué d’être effectués. Ceci entre autres en janvier 2021 vers l’Ethiopie, un pays en proie à la guerre civile, où des violations massives des droits de l’homme ont lieu. Rappelons que sur la base d’un accord bilatéral, la Suisse peut expulser de force des personnes vers l’Ethiopie depuis novembre 2018.

Faits embellis

Cependant, selon l’association humanrights.ch, la situation sur le terrain s’est massivement détériorée ces dernières années: «Une guerre civile sanglante sévit dans la région du Tigré et la situation humanitaire est catastrophique: selon le Bureau de secours d’urgence de l’ONU, environ 1,8 million de personnes dans le seul Tigré sont au bord de la famine, tandis que 400’000 ont déjà franchi ce seuil.» De plus, «dans la région, 1,7 million de personnes sont en fuite et l’ensemble de l’Ethiopie compte 2,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Des dizaines de milliers de personnes ont fui vers les pays voisins. La violence systématique à l’encontre des femmes et des enfants est très répandue, y compris en tant qu’arme de guerre. Le conflit et les difficultés s’étendent de la région en crise du Tigré à l’ensemble du pays».

«Le problème est que le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral apprécient la situation de façon trop optimiste dans les régions de crises et appliquent le «meilleur scénario». Les situations instables, comme celle qui se présente actuellement en Afghanistan, doivent être évaluées avec prudence et selon le principe «in dubio pro refugio» (le doute profite au réfugié). Ce n’est malheureusement pas le cas avec l’Ethiopie», estime Stéphanie Motz, avocate spécialisée dans les questions d’asile.

Critique acerbe

Dans le même temps, le Conseil national et le Conseil des Etats durcissent les mesures à l’encontre des requérant.es, comme l’a une nouvelle fois démontré la session qui s’est achevée aux Chambres. Les contributions financières et le personnel de l’agence de protection des frontières Frontex ont été augmentés. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) critique aussi l’approbation par les deux chambres du Parlement des contrôles systématiques des données des téléphones portables dans la procédure d’asile et des tests obligatoires

Corona pour les expulsions

Une motion du membre PS du Conseil des Etats (JU), Elisabeth Baume-Schneider, a été rejetée par le Conseil des Etats. Elle demandait une aide financière directe ou un fonds d’aide aux sans-papiers géré par des organisations d’aide. Cette somme devait permettre de couvrir au moins partiellement les coûts les plus importants en matière d’assurance maladie, de loyer et de nourriture pour les demandeurs d’asile. La Chambre haute s’est aussi prononcée contre le fait que des sans-papiers soient soutenus par le gouvernement fédéral pendant la crise de Corona afin de garantir les besoins les plus élémentaires tels que le logement, la nourriture ou les soins de santé. Les sans-papiers n’ont pas accès aux mesures de remplacement du salaire, à l’éducation et à l’aide sociale, et leur accès aux soins de santé est restreint.

Obstacles à l’éducation

Solidarité sans frontières, le syndicat de l’enseignement SPP et l’Association suisse des étudiants (UNES) ont lancé la campagne «Education pour tous – maintenant!» à l’automne 2020. «Avec notre campagne, nous voulons simplifier l’accès à l’éducation pour les requérant.es. Les réfugié.es, les demandeurs d’asile, les personnes rejetées et les sans-papiers qui veulent s’instruire et travailler se heurtent souvent à des obstacles presque insurmontables. C’est pourquoi nous avons lancé la campagne et la pétition «Permettre l’éducation et le travail pour les réfugiés!». Le 22 septembre, la pétition comportant 19’209 signatures a été remise aux autorités du Palais fédéral pour être examinée par le Parlement.

Les cantons étant largement responsables des questions d’éducation, la coalition a porté la campagne dans les régions afin de sensibiliser un public plus large. «Nous avons notamment organisé des événements où les réfugiés ont pu s’entretenir avec des professionnels de l’éducation et des hommes politiques. Des tables rondes et des présentations («Les réfugiés ont la parole») ont eu lieu à Genève, Schaffhouse, Zurich, Berne, Davos, Fribourg et dans des émissions de radio d’autres événements sont en cours d’organisation. La pétition est également accompagnée de six motions parlementaires visant à améliorer l’accès des réfugiés à l’éducation.»

Education à part entière

Le texte de la pétition «Améliorer l’accès à la formation et au travail pour les personnes exilées!» exige du Conseil national et du Conseil des Etats des mesures concrètes pour l’éducation et la formation continue des réfugiés vivant en Suisse. La campagne revendique du Conseil fédéral et des cantons que l’Agenda Intégration Suisse garantisse le droit à la formation pour tous, indépendamment du statut de séjour et en fonction de leur potentiel respectif. Au niveau du primaire et du secondaire inférieur, les enfants réfugiés et leurs familles doivent être rapidement intégrés dans des logements adaptés aux enfants et dans les classes ordinaires des écoles primaires.

Au niveau de l’enseignement secondaire supérieur, les jeunes réfugiés d’âge post-obligatoire devraient bénéficier d’une formation à part entière et à plein temps, de programmes de préparation professionnelle plus généreux et d’un soutien et d’un encouragement, y compris pour le lycée s’ils sont aptes. Ceux qui sont en formation devraient pouvoir la terminer, même si une décision négative en matière d’asile est prise.

La Confédération, les cantons et les universités doivent veiller à ce que les réfugiés ayant un bon niveau de formation soient soutenus dans l’accès aux universités et que les diplômes qu’ils apportent avec eux soient mieux reconnus. «Dans la société de la connaissance numérisée, les limites d’âge dans l’éducation n’ont pas de sens. Toutes les personnes, en particulier les réfugiés, devraient pouvoir profiter des possibilités d’éducation à l’âge adulte», estiment les pétitionnaires.

Infos sur: www.education-maintenant.ch