On entend par Ecole de Savièse une colonie d’artistes, la plupart étrangers au Valais, et installés dans ce village vers 1900. Tournant le dos à la nouvelle société industrielle, ils se sont plu à représenter la vie rurale d’une manière passéiste et idyllique, alors même que la paysannerie de montagne valaisanne végétait souvent dans la misère. Cela étant dit, leur production picturale est d’une grande qualité et constitue un moment important dans l’histoire de l’art en Suisse.
Quant à Frédéric Rouge (1867-1950), il est né à Aigle. Venant d’une famille aisée, il a pu faire des études d’art à Paris. Mais rentré définitivement en Suisse en 1887, il va peindre les paysages qui l’entourent: les montagnes, la vigne, ainsi que la chasse dont il est un passionné. On ne lui connaît aucun lien direct avec l’Ecole de Savièse. Néanmoins, leurs démarches artistiques sont similaires, et le parallèle qu’opère entre eux l’exposition de l’Espace Graffenried, sise dans une belle maison du 17e siècle, est très pertinent.
Tant Marguerite Vallet-Gilliard qu’Ernest Biéler ou Berthe Roten-Calpini se sont attachés à représenter des Saviésannes en costume. Ce faisant, ces artistes ont voulu montrer moins l’individualité de leurs modèles, que leur appartenance à une communauté chronologiquement datée. L’exotisme et le pittoresque l’emportent sur la réalité de leur condition économique et sociale. L’armailli, le vacher, la fileuse, la laveuse deviennent donc des stéréotypes appartenant à une société valaisanne du passé, alors que le canton du Valais est déjà en voie de profonde transformation. Il en va de même avec les huiles d’Albert Anker (non représenté dans l’exposition) et les sujets vaudois de Frédéric Rouge, qui s’est surtout attaché la figure humaine. Tous et toutes ces artistes font preuve d’une technique remarquable dans l’art du portrait, surtout lorsqu’ils montrent des vieillards aux visages creusés par l’âge et le dur labeur. La particularité de Frédéric Rouge est sa passion pour la chasse. C’est ainsi qu’il a peint le braconnier et le chasseur, solitaires dans la nature alpine qui les entoure. Quant à Ernest Biéler, il s’est laissé influencer par l’Art Nouveau, conférant ainsi à ses toiles une certaine modernité.
L’exposition de l’Espace par ailleurs complétée par d’autres œuvres à l’Espace d’exposition de la collection communale à Savièse, vaut donc la peine d’être vue. Elle témoigne d’une certaine perception de la Suisse rurale au tournant des 19e et 20e siècles.
«Silhouettes bucoliques. Frédéric Rouge et l’Ecole de Savièse », Espace Graffenried, Aigle, jusqu’au 6 mars 2022, Entrée libre.