Vaccination, une campagne disputée

Covid • La campagne de vaccination stagnant, le Conseil fédéral a eu une idée controversée pour la relancer. Soit rémunérer les personnes qui la favoriseraient. Des problèmes juridiques et déontologiques notamment se posent.

Alain Berset vient de présenter une stratégie en quatre points pour lutter contre la pandémie. (Anidaat)

Le taux de personnes entièrement vaccinées contre le Sars-coV2 dans notre pays est actuellement de 59,33%. Un chiffre auquel il faut ajouter 5,27% de personnes ayant reçu une première dose, pour un total de 64,60%. En somme pas de quoi, selon les autorités, à faire passer un hiver à l’abri d’un débordement de notre système de santé, qui aura également à gérer d’autres pathologies liées saisonnières. A en croire les experts, il nous faudrait atteindre environ 85% de personnes pleinement vaccinées pour s’en prémunir.

Stratégie attendue

Pour faire face à cette situation, le Conseil fédéral (CF) a conçu une stratégie en quatre points. Il l’a mise en consultation auprès des cantons. Le premier consiste en une «semaine nationale de la vaccination». Le second vise à augmenter le nombre d’unités mobiles permettant de se faire inoculer dans les vallées, les places de village, les universités, les stades de foot… Le troisième tient en une campagne d’information personnalisée avec 1700 personnes pour répondre aux questions de celles et ceux qui sont réticent.es à passer le cap, et ce de manière individualisée.

Jusque-là rien d’étonnant de la part d’un gouvernement peinant à convaincre sa population d’opter pour un acte médical. Et qui souhaite la protéger d’une pandémie ayant fait quelques 11’107 victimes décédées depuis février 2020.

Prime à la vaccination

Là où tout semble déraper, c’est lorsque le Conseiller fédéral en charge de la santé, Alain Berset, propose «un système d’incitation innovant». Son idée? La personne qui parviendrait à convaincre un proche, ami ou voisin serait récompensée par un bon de 50 francs. Ses possibilités d’usage seraient définies par les cantons, qui choisiraient dans quel commerce la récompense serait utilisable.

Le concept n’est pas vide de sens. Dans les années 40, aux Etats-Unis, le psychologue Kurt Lewin avait été mandaté pour trouver comment modifier les habitudes alimentaires de la population afin de lui faire consommer davantage d’abats, ce que peu de monde faisait alors, à un moment où le pays était confronté à une pénurie de viande.

Le vaccin, c’est toi, c’est moi

De son étude il ressort que l’effet de modification du comportement par de l’information apportée par un nutritionniste, un expert faisant un exposé sur les bienfaits des abats est inférieure à celle résultant d’une discussion autour du même exposé, en groupe avec des pairs. Ainsi, l’exposé d’un expert seul parvenait à convaincre 3% des personnes ayant assisté à l’exposé seul d’opter pour la consommation d’abats, contre 32% dans le groupe ayant pu en discuter avec des pairs. Seulement cet effet n’impliquait aucune rétribution pécuniaire.

Imaginons que les cantons plébiscitent cette solution du bon. Un soir vous buvez un verre avec un ami, parent ou proche qui tente de vous faire adhérer à la vaccination, que vous avez jusqu’alors refusée. Comment saurez-vous que cette personne cherche véritablement à vous protéger et non à se faire offrir un restaurant par la Confédération? Que restera-t-il de la confiance que vous lui portez, s’il vous demande de mentionner qu’il vous a convaincu pour se faire rétribuer? Comme le conseille un vieux dicton portugais, «les amis sont les amis, les affaires sont à mettre à part».