C’est l’histoire d’une formidable mobilisation populaire qui connut de nombreux rebondissements. Michel Renaud les raconte avec force détails. Lui-même joua un rôle important dans ce combat, mais il a l’élégance de rappeler que ce fut toujours une lutte commune. Celle-ci dura quatorze années.
Un site convoité
Tout commence le 23 février 1982, lorsque le syndic d’Ollon apprend du Conseil d’Etat que le canton de Vaud devra faire sa part dans le problème des déchets nucléaires. Le 22 mars, la Municipalité, où le socialiste Michel Renaud a été récemment élu, est informée que l’un des sites retenus par la CEDRA (Coopérative pour l’Entreposage des Déchets Radioactifs) est le Bois de la Glaivaz, sur la commune d’Ollon. La CEDRA est soutenue par le Conseil fédéral, le Conseil d’Etat vaudois et les milieux économiques. Il n’est question d’abord que de sondages, puis du creusement d’une galerie, mais l’on comprend vite que ceux-ci ne sont que la première étape d’une décision d’entreposage définitif. Pour plus de mille ans!
Très rapidement se constitue alors le CADO (Comité anti-déchets d’Ollon). Il ne naît pas en terrain vierge. Tout le monde se souvient alors de la fermeture précipitée en 1969 de l’usine expérimentale de Lucens, suite à un accident majeur. Plus récemment, la CEDRA avait eu dans son objectif la colline du Montet à Bex, qui avait provoqué un large mouvement populaire d’opposition.
Solidarité entre communes
Michel Renaud insiste beaucoup sur un point: les habitants d’Ollon n’étaient pas des égoïstes qui voulaient bien des déchets nucléaires, pourvu que ceux-ci soient enfouis ailleurs… Des contacts sont aussitôt pris avec deux autres communes: celle où se trouve le Piz Pian Gran (Grisons) et celle qui comprend l’Oberbauenstock (Uri), les deux sites menacés. Leur lutte sera donc commune, au-delà des frontières cantonales et linguistiques.
Nous ne pouvons pas nous arrêter ici sur tous les détails de celle-ci: distribution d’autocollants; consultation populaire à Ollon. où le refus des déchets s’affirme par 98,1% des voix; affiches contenant des textes et dessins très violents, parfois il est vrai à la limite de la légalité; conférences-débats; diffusion du slogan «Ollon ne CED’RA pas». La presse et la TV se passionnent pour cette affaire qui soulève tout le problème du nucléaire.
Selon l’auteur, le défaitisme «est soutenu par le parti radical et le parti libéral, favorables à la CEDRA.» En revanche, la lutte de la commune d’Ollon est soutenue par les Partis socialistes vaudois et valaisan, le POP, Alternative démocratique, le Groupement pour l’environnement (GPE), la Ligue pour la protection de la nature… et la Diana, qui rassemble les chasseurs. Néanmoins le comité d’opposition se veut au-delà des clivages politiques. Certaines personnalités radicales en font partie, tel le syndic de Gryon et conseiller national Jacques Martin.
Le comité s’appuie sur les expertises de ses propres géologues, qui démontrent que la masse d’anhydrite constituant le site visé comporte des fractures et des impuretés. Le 23 septembre 1984, les Vaudois votent: le NON l’emporte par 69,3%, mais le pourcentage d’opposants est beaucoup plus élevé dans le district d’Aigle. Néanmoins, le Conseil fédéral passe outre. Au Conseil d’Etat vaudois, il est notamment soutenu par Marcel Blanc, ce qui, il faut le dire, écorne un peu l’image plutôt sympathique qu’avait laissée de lui cet élu UDC appartenant encore à la tendance PAI non blochérienne. Les choses s’enveniment.
Déploiement policier
Face à des menaces, la Police cantonale reçoit l’ordre d’assurer le bon développement des travaux de forage. Mais on sentira un réel malaise des gendarmes engagés sur le terrain, dont beaucoup sont du côté des opposants. Le 21 décembre 1989, une centaine de gendarmes avec des chiens sont déployés! Même s’il n’y a pas de «violences policières», comme l’écrit abusivement l’auteur. Une grave erreur psychologique déconsidère les autorités cantonales. L’affaire va s’enliser, tandis que la résistance accuse un essoufflement.
Finalement, à fin 1991, on apprend que la CEDRA renonce au site d’Ollon. Ce n’est pourtant qu’en 1996 que toutes les procédures d’expropriation en cours concernant ses projets sont radiées par l’Office fédéral de la justice. En 1997, Ollon peut faire la fête, renouvelant son slogan, qui devient «Ollon n’a pas cédé!» Telle est l’histoire d’une belle résistance populaire, qui annonce à certains égards celle des zadistes du Mormont. Cela dit, le problème des déchets nucléaires n’est toujours pas résolu! n
Michel Renaud, «OLLON NE CED(E)RA PAS». Epopée d’une résistance à l’enfouissement de déchets radioactifs, Sainte-Croix, Editions Mon village, 2021, 165 p.