Covid: le retour du confinement?

Santé • Il y a une semaine tous les regards se sont tournés vers l’Autriche, dont la courbe du nombre de cas de Sars-Cov-2 s’envolait. On voit désormais la vague s’élever dans nos contrées. L’aération efficace des locaux et le port du masque en intérieur sont des pistes efficaces selon le Professeur Antoine Flahault.

La propagation du virus par gouttelettes est une réalité qui nécessite des solutions liées à la ventilation des locaux notamment. (DR)

L’arrivée prévisible du froid et la situation en Europe de l’Est depuis des mois laissaient présager de l’imminence d’une nouvelle poussée pandémique. Un temps de préparation que nos dirigeant.es ont utilisé notamment pour organiser des concerts et inciter à la vaccination. Une méthode qui risque néanmoins de se révéler insuffisante.

A nos portes

Depuis le 12 octobre dernier, le nombre de cas positifs au virus détectés en Autriche ne cesse d’augmenter. Selon l’Université Johns Hopkins, il est passé d’environ 202 cas quotidiens par million d’habitant.es à 1255 le 15 novembre. Si la vaccination y est plus élevée que la moyenne européenne avec 64% de personnes ayant été pleinement immunisées contre 56% sur l’ensemble du Vieux continent, le réservoir de non-vacciné.es, plus d’un tiers de la population, fait craindre le pire.

Le nombre de décès confirmés suite au Covid a quasiment triplé sur la même période, passant de 10 au quotidien à la mi-octobre, à près de 30 à la mi-novembre, soit une multiplication par 3 en un mois. Une multiplication dont le facteur augmente à mesure que la maladie se répand. En réaction à cette explosion, le gouvernement autrichien a décidé de confiner sa population non-vaccinée. Une mesure qui est entrée en vigueur lundi dernier à minuit.

Si la situation autrichienne du mois écoulé sonnait comme une mise en garde, celle du Nord-Est du continent aurait pu alerter bien avant. En Lettonie et Estonie, c’est à la fin septembre que les courbes se sont envolées de façon comparable à ce qui se produit actuellement en Autriche. Des pays suivis de près, dans cet emballement épidémique, par la Lituanie, la Croatie puis la Slovaquie. Ceci à mesure que l’automne puis les froids hivernaux s’étalaient vers le Sud-Ouest de l’Europe.

Action sanitaire controversée

Pendant ce temps dans nos contrées, nos dirigeant.es organisaient une «semaine de la vaccination», du 8 au 14 novembre, pour inciter les récalcitrant.es. Au programme: stations de vaccination mobiles, conseils individualisés, et une «tournée» d’information et de concerts. Le tout pour environ 100 millions de francs.

Sur la durée de l’événement, la part de la population ayant reçu au moins une dose est passée de 66,43% à 66,76% (OFSP). Cela représenterait, selon la présidente de la task force, Tanja Stadler, «environ 25’000 personnes» (SonntagsZeitung). Or cela représente un investissement de 4000 francs par nouvelle vaccination.

Si, malgré ce coût, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les personnes désormais immunisées, on ne peut pas en dire autant pour le pays dans son ensemble. Avec un total de 64,95% de personnes pleinement vaccinées, lundi dernier, notre situation est comparable à celle de l’Autriche, il y a quelques semaines. Partant, il en ira de même de notre avenir au plan pandémique, et donc en termes de nécessité de restrictions.

Si ce qui a été entrepris pendant cette période en Suisse semble nous destiner à de nouvelles restrictions, ou à une catastrophe pour notre système de santé, qu’aurions-nous pu, et devons, faire? Le Directeur de l’Institut de Santé Globale de l’Université de Genève, le Professeur Antoine Flahault, répond à ces questions par un article paru lundi sur le site d’information HeidiNews et intitulé «Nul ne peut affirmer que nous n’aurons pas à reconfiner bientôt nos sociétés». On y lit: «Nos gouvernants sont responsables devant leur peuple et devant l’histoire de conduire des politiques permettant à coût raisonnable de réduire au maximum les risques sanitaires, sociaux et économiques de cette pandémie».

Avant qu’Antoine Flahault ne propose des pistes. Il insiste notamment sur le fait que selon la littérature scientifique, le virus ne se transmet pas principalement par les postillons. Ceux-ci «peuvent théoriquement nous contaminer…, bien que très peu de cas aient été documentés… Les surfaces peuvent certes receler des particules virales, mais la littérature scientifique ne rapporte pratiquement pas de cas par ce type de contaminations», explique-t-il. Ce qui devrait nous préoccupe, ce sont ces gouttelettes que nous produisons en éternuant, en toussant, ou simplement en parlant, qui lorsqu’elles mesurent moins de 100 microns «s’aérosolisent» et peuvent donc flotter dans l’air de quelques minutes, à plusieurs heures, pour celles faisant moins de 5 microns.

Purifier l’air

Ces gouttelettes sont en mesure de propager le virus, comme cela a été démontré avec d’autres maladies se propageant par voie aérienne, explique le Pr. Flahault. Pour s’en prémunir, il faudrait entre autres interdire l’accès du public aux locaux ne disposant pas d’un air suffisamment renouvelé ou de purificateurs d’air. Des systèmes de purifications de l’air devant être munis de filtres HEPA (ou filtres à particules aériennes à haute efficacité) qui sont à même de capturer ces microgouttelettes aérosolisées et potentiellement porteuses du Sars-CoV-2. «Il y a trop de contaminations aujourd’hui qui seraient pourtant évitables par une ventilation adaptée des locaux fermés, associée au port correct du masque en milieu intérieur et à la couverture vaccinale la plus élevée possible. Si les recommandations visant les masques et les vaccins sont sur la bonne trajectoire, il convient désormais de sécuriser d’urgence tous les locaux recevant du public et ayant montré qu’ils représentaient des hauts lieux de contaminations au Sars-CoV-2», conclut le scientifique. Il en appelle à des normes contraignantes de ventilation, ainsi qu’à diriger la communication de santé publique vers la question de la voie de transmission par aérosols.

Compte à rebours

Faute de telles mesures prises immédiatement, un nouveau confinement devient hautement probable, avec son lot de conséquences, sociales, psychologiques et économiques désastreuses. Une version «à l’autrichienne» ne concernant que les personnes vaccinées pourrait alimenter la réactance de celles et ceux qui ont refusé jusqu’à présent la vaccination, mais aussi l’extrême droite instrumentalisant la pandémie.

L’alerte du Pr Flahault, comme celle venue d’Autriche et de l’Est, resteront-elles lettre morte? Si tel n’est pas le cas, il faudrait encore qu’elle soit entendue à temps.