Chili, entre mémoire et actualité

Hommage a Renens• • Le 21 novembre était le jour du premier tour des élections dans le Chili d’aujourd’hui. Le pays se relève d’une crise sanitaire et sociale, enracinée dans les années de dictature, après le coup d’État de 1973.

Un exemple d'artisanat des arpilleras. (Moola)

Laboratoire d’une politique néolibérale instaurée durant cette période, le pays vit encore avec la constitution mise en place sous le régime de Pinochet, qui soutient la privatisation de tous les secteurs, dont la santé, l’éducation et les retraites. L’une des revendications du soulèvement social de 2019, soulèvement provoqué par de nouvelles mesures d’austérité (celle qui a mis le feu aux poudres fut la hausse du prix du ticket de métro), était de réécrire cette constitution.
Au printemps dernier, une assemblée constituante a été élue, avec une majorité de gauche. Celle-ci veut réformer le système en place, instaurer une école gratuite, des retraites permettant de vivre dignement et une véritable sécurité sociale.

Second tour incertain

Lors des élections, deux candidats sur les cinq sont sortis du lot: celui de la droite, Antonio Kast, dans la lignée du précédant, Sebastian Pinera, sympathisant du président brésilien Jaïr Bolsonaro, et un candidat de gauche, Gabriel Boric, leader du mouvement étudiant en 2010, qui souhaite inscrire sa politique dans le processus de la nouvelle constitution. Antonio Kast est sorti en tête, avec 27,9% des suffrages, Gabriel Boric avec 25,8%. Difficile de savoir comment les voix se répartiront au deuxième tour, et si les abstentionnistes et la gauche radicale se déplaceront pour barrer la route à un gouvernement qui ne cache pas ses sympathies pour l’extrême droite. Les perspectives oscillent entre un retour en arrière, et un blocage des réformes en cours, ou au contraire, aller vers un nouveau modèle. Le deuxième tour aura lieu le 19 décembre.

Soirée de la Fourmi Rouge

Le jour des élections, une soirée organisée par la Fourmi Rouge, à Renens, projetait le film de Bastien Genoux et Iara Heredia, Me duele la memoria, dans le café de la ferme des Tilleuls. Ce film raconte l’histoire du Chili, lorsque les forces armées de Pinochet ont écrasé le gouvernement d’Allende, porté par un immense mouvement populaire, et l’exil en Suisse de Chiliens et Chiliennes. Cette histoire, revisitée par l’une des réalisatrices qui raconte le parcours de son père au travers du film, met à l’honneur un artisanat devenu subversif et militant: les arpilleras. Durant la dictature, l’artisanat des arpilleras est devenu un art de la désobéissance civile, montrant la résistance de femmes au travers de techniques artisanales.

En 1973 et les décennies qui ont suivi, le mouvement populaire a été écrasé par les militaires, des nombreuses personnes ont été tuées, torturées, ou sont parties en exil. Evoquer cette histoire, ce jour symbolique, était aussi une occasion de rappeler que la migration, l’exil imprègnent l’existence des personnes qui vivent ici, contraintes de fuir la violence, et dont l’histoire familiale reste marquée d’une génération à l’autre. Trop souvent, la migration se résume, dans les discours officiels, à des questions de droit, de statut, de coût, alors qu’elle est surtout l’histoire du monde qui se manifeste à nos frontières, reflétant des vies déchirées et les espoirs d’un monde plus juste.

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