Entre autosatisfaction et esprit critique

histoire • Le Parti socialiste neuchâtelois a édité une brochure à l’occasion de son 125e anniversaire. Il a notamment lutté pour empêcher la classe ouvrière de voter en faveur des initiatives xénophobes sur la «surpopulation étrangère».

Charles Naine haranguant la foule à La Chaux-de-Fonds, 1er mai 1923. (DR)

L’opus s’adresse certes d’abord aux «camarades socialistes» du canton, mais il peut intéresser toutes les personnes concernées par la vie neuchâteloise. Ecrit par un collectif d’auteurs et richement illustré, il aborde l’histoire du PSN de façon tout à la fois biographique, chronologique et thématique.

Même si celle-ci s’est faite en plusieurs étapes, on a retenu le 13 septembre 1896 comme date de naissance, à La Chaux-de-Fonds, du Parti socialiste neuchâtelois. La cité horlogère des Montagnes, ainsi que sa sœur, Le Locle, resteront jusqu’à nos jours ses bastions. L’auteur de ce chapitre résume bien les diverses influences qui concoururent à cette naissance: celles du «radicalisme de gauche», du protestantisme social, du fouriérisme, de l’anarchisme, de la société du Grütli, du mouvement coopératif et syndical. Sa base sociologique se constituait d’ouvriers horlogers pour l’essentiel. Si le PSN a toujours eu une spécificité, c’est son antimilitarisme virulent, attisé par les interventions de l’armée, notamment celle de 1904, contre une grève des maçons à La Chaux-de-Fonds.

Unité des forces de gauche

Deux grandes figures vont lui donner une impulsion, celles de Charles Naine (1874-1926) et d’Ernest-Paul Graber (1875-1956). Ainsi que la parution du journal La Sentinelle. Celui-ci exercera une grande influence. Malgré sa fusion en 1965 avec Le Peuple, organe du Parti socialiste vaudois, le quotidien disparaîtra en 1971 et ne sera jamais vraiment remplacé. Et l’auteur de faire au passage une fleur au Parti suisse du Travail qui, malgré les difficultés financières que l’on sait, a réussi à remplacer la Voix Ouvrière par notre Gauchebdo. De manière générale, l’ouvrage témoigne d’une attitude sympathique envers le POP neuchâtelois, concurrent certes mais surtout allié. Il montre que, sans l’unité des diverses forces de la gauche, cette dernière n’essuie que des échecs électoraux ou en votation populaire. Certains de nos partis cantonaux feraient bien d’en retenir la leçon… Une place importante a été accordée au fort engagement du PSN contre le fascisme. On relèvera cependant une petite erreur: non, La Senti, comme on l’appelait familièrement, ne fut pas la seule, dans la presse romande «qui aura le courage de dénoncer, malgré la censure, les crimes perpétrés par les nazis et leurs séides dans les pays occupés.» C’est oublier les nombreux organes de la presse clandestine communiste comme La Vague, L’Etincelle, La Vérité, etc.

Si l’ouvrage relate bien sûr les succès du Parti socialiste neuchâtelois, ce que l’on peut comprendre, il a l’honnêteté de ne pas cacher ses revers, ses controverses internes, par exemple sur le sujet de la participation au gouvernement.

Il évoque le cheminement politique de Jules Humbert-Droz, qui quitta le PSN pour adhérer au Parti communiste, devint secrétaire de la IIIe Internationale à Moscou, avant d’être exclu de celui-ci et de revenir au Parti socialiste, à nouveau comme secrétaire. Il n’élude pas l’existence, certes éphémère, de la Nouvelle Gauche socialiste (1958-1963), formée de dissidents du PSN critiquant la politique socialiste envers le Tiers-Monde et face à la guerre d’Algérie, ainsi que de militants en rupture avec le POP, choqués par l’intervention soviétique en Hongrie de 1956 et, deux ans plus tard, la pendaison d’Imre Nagy. La plupart des membres de la NGS regagneront le bercail après sa dissolution, à l’exemple du futur conseiller d’Etat René Meylan (1929-2000). La politique économique de ce dernier sera par ailleurs controversée, suite à la très grave crise économique de 1974 qui frappera lourdement le canton de Neuchâtel, et surtout les Montagnes horlogères. Entre 1974 et 1975, il perdra en effet 4507 postes de travail complets! Or le PSN et son représentant au gouvernement mettront du temps à réagir, refusant dans un premier temps l’intervention de l’Etat, avant de comprendre sa nécessité et de «mettre le paquet» pour initier une promotion économique vigoureuse. Comme dans les autres sections cantonales, le Parti socialiste neuchâtelois dut se battre pour dissuader la classe ouvrière de voter en faveur des initiatives xénophobes contre la «surpopulation étrangère». Il en alla d’ailleurs de même dans le Parti suisse du Travail.

Place aux femmes et aux jeunes

D’autres chapitres de la brochure sont consacrés aux femmes socialistes qui, à l’instar de tous les partis politiques, durent lutter pour se faire une place et finalement accéder au gouvernement, et à la Jeunesse socialiste souvent critique face à l’orientation générale du PSN jugée trop accommodante avec le système bourgeois. Il est question aussi de la protection de la nature incarnée notamment par Archibald Quartier (1913-1996), ou encore à la politique du parti face à la culture, dont l’inauguration en 1921 de la Maison du Peuple de La Chaux-de Fonds représenta une étape importante. Elle se voulait un lieu «où l’ouvrier pourrait s’instruire et se récréer sainement, échappant ainsi aux funestes effets de l’alcoolisme». Et pour celles et ceux qui, suivant cette injonction un brin moralisatrice, voudraient en savoir plus, une petite bibliographie complète l’ouvrage.

125 ans en mouvement. Parti socialiste neuchâtelois 1896-2021, édité par le point. On peut l’obtenir au siège du PSN, avenue de la Gare 3, 2000 Neuchâtel.